Entre contraintes et impéritie, la politique économique de la France de 1917 à nos jours
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chapitre 1     Introduction

De l’intendance à la politique économique

 

« L’intendance suivra » ; on attribue cette déclaration au Général de Gaulle au temps du gouvernement provisoire. L’a-t-il dit réellement ? selon Jean Lacouture il s’en est publiquement défendu.

Des ministres fidèles comme par exemple Louis Joxe sont pourtant affirmatifs. Alain Peyrefitte, le pieux ministre, beaucoup plus tard dans le tome 2 de « c’était de Gaulle » intitule la quatrième partie de son livre «  Il faudra bien que l’intendance suive »  .

En fait le  professeur d’histoire militaire qu’était de Gaulle pastichait Napoléon Bonaparte à qui l’on attribue cette citation, et laissait entendre derrière l’ironie et le laconisme  de la boutade: « vous m’entreprenez sur la question de l’aptitude du pays à soutenir une politique d’expansion et d’indépendance nationale , un grand pays comme le nôtre y arrivera pourvu qu’il en ait l’ambition et la volonté...» , de Gaulle n’était il pas alors en train de donner l’exemple de ce que la volonté politique permet d’atteindre et n’est ce pas lui qui a écrit quelque chose sur la nécessité pour les hommes politiques de "viser haut et de rester sur les sommets sans jamais en redescendre".

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Féru d’histoire le général savait bien que ce "cher et vieux pays" s’était construit de manière centralisée, jacobine, et que l’État avait été depuis longtemps un acteur essentiel de l’économie , il admirait Richelieu et l’œuvre de Colbert. Si Georges Bidault l’a entendu maugréer pendant l’hiver 1944-45 qu’il ne s’était pas installé rue Saint Dominique pour « distribuer les rations de macaroni », tous ses ministres s’accordent pour dire qu’il consacra tant en 1945 qu’après son retour au pouvoir en 1958 plus de la moitié de son temps aux affaires économiques et sociales. D’ailleurs pouvait il faire autrement en 1944-45 à une époque où la ration alimentaire moyenne par habitant tombait en dessous de 900 calories et où tous les pans de l’économie qui n’étaient pas encore par terre menaçaient de s’écrouler. En fait cette période correspond très exactement à une grande évolution du stade d’intervention de l’État dans la société civile.

Si l’on considère l’époque actuelle on distinguera à la suite de  R. Musgrave (The Theory of Public Finance, 1959) 3 fonctions traditionnelles de l'État:  

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-  La fonction d’affectation des ressources désigne le financement des biens et services collectifs (ou biens et services publics). La consommation ( et/ou la jouissance de tels biens et services (la défense , l’air pur, la sécurité routière, la propreté de l’environnement …) par une personne n’en réduit pas la quantité à la disposition des autres, et, il est impossible d’empêcher une personne de les consommer ou plus précisément d’en jouir. Adam Smith évoquait déjà cette fonction, reconnaissant à l’État le rôle de produire ces biens (citant notamment les routes) qui ne peuvent être offertes par le marché.

- La fonction de redistribution désigne la recherche par l’État d’une certaine égalité entre les individus et la garantie à tous d’un certain niveau de bien être. Cela correspond à l’objectif de justice sociale et à l’émergence de l’Etat-Providence apparu depuis la fin du 19ème siècle.

-La fonction de régulation, enfin, désigne les efforts de l’État pour limiter les fluctuations de l’activité économique et favoriser la croissance.

Dans les années 30, comme nous le verrons le moment venu, la théorie keynésienne attribue aux gouvernements la capacité de relancer l’activité dans les périodes de dépression. Un keynésien, Nicolas Kaldor, précisera les paramètres du pilotage conjoncturel de l’État ( le fameux carré magique): le taux de croissance, de chômage, d’inflation et l’équilibre extérieur.  Dans les années 60 les polémiques autour de la courbe de Philips et l’avènement du  monétarisme de Milton Friedman ( à mon humble avis, pernicieusement monté en épingle par les pro libéraux) mettront un bémol à ces règles de pilotage de la conjoncture, mais n’anticipons pas.

Dans la réalité les trois fonctions ci dessus ne sont pas indépendantes l’une de l’autre. Ainsi, l’action redistributrice de l’État a pu servir l’objectif de régulation: donner davantage aux ménages pauvres, si on leur suppose, comme J M Keynes, une propension à consommer plus élevée que les ménages riches, permet de relancer la consommation et donc l'économie dans son ensemble. Le français Christian Saint Etienne a écrit de bonnes choses la dessus.

L’évolution vers l’omniprésence de l’État dans l’Économie n’est pas bien sûr un phénomène spécifique à la France car il est le fait de tous les pays développés, mais il est particulièrement important en France, pays dont l’histoire est celle d’une croissance centralisée depuis plus de mille ans ( Hughes Capet) et qui a connu au 17eme siècle le fameux Colbertisme puis, après quelques velléités de libéralisme au 18 siècle (époque de Turgot, Trudaine et des lumières), une « resucée » de jacobinisme avec la révolution et l’Empire.

Pierre Rosanvallon  dans L’État en France de 1789 à nos jours (page 15) -  Seuil 1990- distingue quatre figures de base successive dans l'État, qui constituent autant de modalités spécifiques du rapport État-société:

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L’État régalien qu’il appelle «  Le Léviathan démocratique ».  La métaphore de l’État Léviathan est empruntée  à l'Anglais Thomas Hobbes (1588-1679). Écrit en 1651, Léviathan œuvre majeure de  Hobbes a ouvert la voie à la philosophie politique moderne et a nourri la réflexion politique jusqu'à la Révolution française.

Contrairement à ses nombreux prédécesseurs, Hobbes ne soulève plus la question du choix du meilleur régime mais il contribue à fonder la politique sur la " vérité effective des choses ", à la façon de Machiavel, et s'interroge sur l'obéissance légitime et par conséquent sur la souveraineté. « L'état de nature » qu'Hobbes décrit est un mode de vie impitoyable et insupportable. il popularise  la fameuse expression de Plaute « L’homme est un loup pour l’homme ». Les hommes, pour préserver leur vie et pour s'acheminer vers la paix, renoncent d'eux-mêmes à cet état de guerre et choisissent une autorité supérieure : le souverain. Celui-ci hérite de tout ce qui était propre aux individus dans l'état de nature pour en être le détenteur exclusif. Le Léviathan, cet anthropomorphisme utilisé par le philosophe, détient un pouvoir absolu et illimité en échange de la paix civile apportée aux individus. C'est une organisation politique artificielle parce qu'elle est le résultat d'un contrat passé entre les hommes. L'unité de ce " corps  politique" est rendue possible par l'existence d'un représentant unique et non pas par les individus qui le composent. Son âme est l'autorité politique.

Partisan de l'absolutisme, Hobbes fait du souverain un être raisonnable guidé dans son action par des considérations utilitaires, dont le devoir est de réussir. Pour certains, à partir de son interprétation libérale de la loi, Hobbes serait même un des fondateurs du libéralisme. A travers la description rationaliste du contrat social et du pouvoir souverain c'est la dimension scientifique de la politique qui est mise en exergue . Rosanvallon va plus loin en disant que la modalité de la constitution de l'État est remise en Cause par la notion de contrat politique ou social qui ouvre la voie au développement de la démocratie politique et à la mise en place de gouvernements représentatifs. Le Léviathan démocratique est l'État dans son rapport à la société comme puissance constituante (rapport de constitution de l'État par la société).

 

- L'instituteur du social. L'État devient une force d'édification du social, et produit la nation en agissant sur tout ce qui gouverne le lien social, l’organisation de l’espace, la langue, la mesure des choses, la mémoire , l’éducation pour tous, la culture, l’hygiène publique et la lutte contre les fléaux, autant de moyens de produire de la cohésion sociale. Cet édificateur du social qu’est l'État produit du lien social et de l'unité, met en forme la société et constitue la nation (rapport d'institution).

 

- L’ État – providence : L'État se définit comme un « réducteur d'incertitudes » (Hobbes). L'État traditionnel protecteur, s'élargit progressivement en État providence, fondé sur l'extension des droits de l'homme à la sphère de l'économique et du social , qui se prolongent ainsi dans des droits sociaux.

 

- L’ État régulateur de l'économie : C'est avec J M Keynes qu'est née la prise de conscience  que l’équilibre économique (entre Offre globale et Demande globale) n’est pas en général un équilibre de plein emploi (contrairement à la doctrine classique), mais qu’il est possible de le déplacer vers des situations plus favorables à l’emploi en agissant sur la Demande globale par l’investissement, sur le pouvoir d’achat, sur le taux de l’intérêt ou sur les anticipations des entrepreneurs. Est ainsi apparu un nouveau credo dont on a usé et abusé qui a incité les hommes politiques à faire de l’État l’agent principal de régulation au sein de la sphère économique nationale d’autant plus qu’à l'époque ou cette idée s'est vulgarisée en France (1945-1965) aucune autre alternative n’existait puisqu’à l’époque l’État était l’acteur principal et le chef d’orchestre de la reconstruction du pays mis à mal par la guerre; dés lors au fur et mesure  de la remise sur les rails de l’économie, et puisque la majorité de nos compatriotes ne voulait pas du collectivisme, la nécessité de faire de l’État le régulateur des mécanismes économiques apparaissait comme forme nouvelle d'intervention économique distincte des formes antérieures.

Ces fonctions sont en fait des extensions successives du champ d’intervention de l’État et non de phases exclusives l’une de l’autre. De plus il est fréquent que les interventions étatiques appartiennent simultanément à plusieurs sinon à toutes ces catégories….

Rosanvallon ajoute d’ailleurs :

« Faire l'histoire de l'État consiste à étudier les conditions d'émergence et de développement des différentes figures qui seront énumérées ci après. Chaque forme étatique particulière pouvant être analysée comme une modalité propre de superposition et d'articulation de celles-ci. Cette approche de l'État conduit à dépasser les discours simplistes sur le « plus » ou le « moins » d'État. Elle permet de comprendre pourquoi le poids de l'État est susceptible de s'accroître alors même que des politiques « libérales » sont mises en oeuvre (cf. la montée du taux des prélèvements obligatoires à 44,7 % en 1988) : le déclin de l'État régulateur peut en effet voisiner avec le maintien, voire le renforcement, de l'État providence et de l'État instituteur du social. Elle invite aussi à saisir dans des termes neufs ce qu'on peut appeler le paradoxe de l'État démocratique-libéral : alors que la société civile souhaite faire de l'État un pur instrument, aux prérogatives limitées, ce dernier tend à devenir de plus en plus actif pour répondre aux attentes de cette même société civile. Penser historiquement l'État est dans cette mesure un préalable à toute réflexion solide sur son avenir. Le volontarisme politique et les bonnes intentions resteront perpétuellement condamnés à l'échec tant qu'ils continueront à méconnaître l'État réel. »

 

L’État est donc désormais et depuis pas mal de décennies un acteur majeur de l’Économie, et c’est un acteur dont le poids n'a cessé de croître.

Avant 1990 une partie importante des hommes de cette planète a vécu pendant plusieurs décennies en régime collectiviste lequel a eu la prétention pendant la plus grande partie du 20eme siècle de séduire ( pour ne pas dire conquérir) l’humanité toute entière et une étude comme celle que nous faisons aurait il y a 20 ans  nécessité de faire la distinction entre régime à économie centralisée (en fait en régime dictatorial ) -même si ces dictatures étaient affublées du vocable euphémique de « dictature du prolétariat » - et les régimes à économie de marché dirigés par des gouvernements issus d’élection libres. Cette distinction ne semble plus réellement de mise aujourd’hui même si une partie importante de l’humanité vit encore sous des régimes pas vraiment démocratiques (comme en Chine par exemple mais pas seulement).

 Dans une démocratie comme la France, en 2009, le PIB atteint 1907 milliards d’euros ( en baisse sur 2008). Les administrations publiques (centrales, locales,européennes et administration de sécurité sociale) ont prélevé pour les redistribuer d'une manière ou d'une autre 42,8% de cette somme, soit un total de 834 milliards d’euros (source l’INSEE comptes nationaux) dont 394 milliards au titre des impôts et 441 milliards au titre des cotisations sociales effectives et impôts perçus par les administrations de sécurité sociale..

La dette publique qui était  en 2004 de 1065.7 milliards d'euros soit 65.6% du PIB  est en 2009 de 1490 milliards soit 77,6% du PIB ( multipliée par 25  depuis 1970) et aurait donné lieu  à une charge budgétaire de 130 milliards d'euros ( intérêts prévus pour 2010 42 milliards et remboursement d'emprunts 90 milliards)  si les remboursements d'emprunts venus à échéance ne se faisaient pas selon un mécanisme du type "cavalerie" en faisant d'autres emprunts ( à la manière de Madoff); or 130 milliards , en poussant le raisonnement à l'extrême c'est quand même  50% des recettes du budget  de la nation (260 milliards loi de finances  2010)...mais ne soyons pas extrémistes et n'anticipons pas sur la suite du raisonnement...

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 Malgré, une très légère baisse des prélèvements obligatoires depuis 2000, ( baisse très temporaire car la crise de 2008 a changé la donne), on doit constater sur le long terme, en  France l’augmentation quasi-ininterrompue de la part du PIB qui échoit à la puissance publique. Vers 1880 elle avoisinait  12% , en 1900, elle ne dépassait pas 15%, elle était de 35% en 1960 et plus de 45% en 1990 pour rebaisser un peu ensuite avant de ré- augmenter avec la grande crise actuelle.

 Comment expliquer cette augmentation ?

 La loi de Wagner ( énoncée voici plus d’un siècle, c’est dire si le phénomène n’est pas nouveau) affirme que plus un pays est développé, plus l’État est sollicité. On peut l’expliquer en montrant que le développement induit des économies d’échelle, conduisant à la formation de monopoles qui doivent être contrôlés par l’État. De plus, l’urbanisation ( tendance de toute société) requiert la mise en place de services publics aussi divers et variés que le tout-à-l’égout, le traitement des ordures,  l’éclairage public, les transports ou la sécurité des personnes et des biens, mais plus généralement les demandes des citoyens à l'État concernent de plus en plus des services diversifiés en nombre infinis parmi lesquels on trouve l’entretien des paysages, la protection de l’environnement , la santé publique devenu un impératif catégorique de même que les retraites par répartition sans oublier l'éducation nationale, la défense nationale, la promotion du sport, celles des arts et lettres et même...la sécurité sanitaire des aliments…et le bien être animal.. En bref plus un pays est développé, plus la consommation de biens et services publics est importante et fait l’objet de mécanismes complexes qui imposent l’intervention publique.

En fait il n’est pas exagéré de dire que les citoyens de plus en plus attendent « tout » de l’État y compris la sécurité des revenus, l’indemnisation des catastrophes naturelles ( ou non naturelles) ou autres préjudices divers.

La loi d’Engel appuie ce diagnostic en remarquant que la demande de services publics croît plus vite que le revenu (on dit de manière pédante que l’élasticité de la demande de services publics par rapport au revenu est supérieure à 1). En effet, selon le statisticien allemand, la part consacrée aux dépenses d’épanouissement, composées de services, notamment publics, comme l’éducation ou la santé, augmente avec le revenu des individus. 

Enfin, W. Baumol souligne que les faibles gains de productivité des activités de service public conduit mécaniquement ceux-ci à occuper une place plus grande dans le PIB : si le progrès technique fait baisser le prix des marchandises mais non celui des services publics, la part allouée à ces derniers augmente.

J'aurai tendance à penser que Baumol ne dirait pas tout à fait la même chose s'il vivait actuellement car le progrès technique avec l'informatique et Internet par exemple est de nature à faire baisser significativement le coût de ceux des  services publiques qui étaient alors considérés comme incompressibles.

 Cette tendance à l'augmentation des prélèvements obligatoire peut être généralisée, avec des nuances, toutefois, selon les pays :

-       - Les pays anglo-saxons consacrent traditionnellement une part moins importante de leur richesse aux dépenses publiques. Le taux de prélèvement est en 2002 de 25.4% aux États-unis, de 37.7% au Royaume-Uni, de 30% en Irlande. Le Japon affecte également une part relativement faible de sa richesse aux administrations publiques (25.8%).

-       - Les pays d’Europe continentale occupent une position intermédiaire : en Allemagne la proportion de prélèvements obligatoires est de 41,6%, en Italie de 42.1%, en Belgique de 48.7% en 2002 (source INSEE)

-       -Les pays scandinaves atteignent des taux de prélèvements obligatoires particulièrement élevés. Le Danemark a un taux de 49.7%,  la Suède de 51.5% pour l’année 2002( source INSEE) .

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Ce poids de l’État suscite de nombreuses récriminations contre la gabegie ou des inquiétudes quant à la pression fiscale qui s’exerce sur l’activité économique, d’autant que l’État est régulièrement en déficit. Le recul de l’État est devenu tout à la fois un poncif de la théorie économique et un slogan politique (porté notamment par la Révolution libérale de R. Reagan aux États-unis et de M. Thatcher en Grande-Bretagne).

Contestant l’opportunité des politiques économiques traditionnelles, d’aucuns annoncent un renouveau du rôle économique de l’État. Ils préconisent des politiques structurelles, qui encourageraient, dans le cadre des théories de la croissance endogène notamment, l’accumulation de capital humain ou la recherche. Les actions conjoncturelles fondées sur des préceptes keynésiens sont, au contraire, souvent considérées comme périmées.

Par ailleurs, s’il renonce à un engagement direct, comme en témoignent les privatisations, l’État doit encore organiser l’activité économique nationale, réguler le marché, et mener pour cela des actions plus spécifiques (politiques de la concurrence ou de l’emploi) et plus ciblées dans leur champ d’application (politique industrielle, soutien à certains secteurs).

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L’économie publique :                 

Avant de définir plus précisément la politique économique il nous faut partir de la notion plus générale d’économie publique ; en effet la politique économique ne doit surtout pas  être confondue avec l'économie publique.

L’économie publique  vise à décrire l'action économique de l'État dans ses domaines d’action classiques, et à théoriser les choix budgétaires et fiscaux (Cf. par exemple, de Richard E. Wagner, The Public Economy, Markham Publishing, 1974).

Tout part de la notion de biens publics.

Qu’est-ce qu’un bien public ? La meilleure réponse se trouve dans la définition de son opposé, le bien privé. En règle générale, celui-ci est objet d’échanges, durant lesquels sa propriété (ou son usage) change de mains. Les biens privés possèdent donc, le plus souvent, les propriétés d’exclusivité et de rivalité (tout le monde ne peut pas en profiter en même temps). Pour les biens publics, c’est tout le contraire: ils sont caractérisés par la non-exclusivité et la non-rivalité. La plaque du nom d’une rue qui rend bien service quand on débarque dans une ville, ne s’use pas - et prend même toute sa valeur - lorsqu’un nombre important de gens la consulte ; et il serait difficile, coûteux et inefficace de chercher à en restreindre l’usage à un groupe particulier, il en est de même des boites à lettre de la poste et des  passages cloutés. L’air pur a les mêmes propriétés, ainsi que l'éclairage public ou le fait de pouvoir se promener sans être détroussé à tous les coins de rue.

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Mais qui fournit les biens publics ? avant de répondre constatons un point important à savoir qu'une fois ceux-ci créés, tout le monde peut librement  en profiter. La stratégie « rationnelle » pour les acteurs privés est de laisser à d’autres l’initiative de les produire, puis d’en profiter sans y avoir contribué. Sans quelque mécanisme d’action collective, voire coercitive la production des biens publics risque d’être insuffisante ou même interrompue, à cause du phénomène dit « du  passager clandestin » (free rider), qui profite du bien sans contribuer à son élaboration ou à son maintien, S'il n'y a plus que des passagers clandestins, il est bien improbable que la situation puisse perdurer .

L’État a souvent un rôle important à jouer, mais d’autres acteurs sont également essentiels. Reprenons l’exemple de « l’air pur ». L’État peut établir une réglementation et des contrôles de la pollution. Mais ce sont des acteurs privés, ménages et entreprises, qui doivent « fournir l’air pur » en limitant leur production de polluants. Les fabricants d’automobiles ont ainsi dû ajuster leurs mécanismes productifs, modifier leurs modèles et installer de nouveaux pots d’échappement pour se conformer à des normes environnementales plus strictes, plus récemment diminuer les émissions de CO2 de leur gamme de véhicules. Autrement dit, le caractère « public » d’un bien tient à la nature des bénéfices qu’il induit - à leur caractère de non-rivalité et de non-exclusivité. Leur production, dans bien des cas, engage l’Etat aussi bien que des acteurs privés.

L’économie publique prend une place grandissante , notamment dans les pays développés parce que les citoyens le veulent fortement ( même s'ils disent le contraire) et l’imposent (en dépit des critiques sur l’inefficacité de l’Etat) pour deux sortes de raisons, celles qui sont liées à la recherche de protection et de sécurité ( ce ne sont pas les plus importantes) et celles qui sont liées à l’impossibilité de s’en remettre au marché pour gérer les ressources et biens publics qui prennent une place de plus en plus importante dans la vie moderne et  le fonctionnement des sociétés évoluées. Les questions de protection de la nature et de l'environnement et l'impact possible sinon probable des activités humaines sur les grands équilibres de la nature, l'effet de serre et le réchauffement climatique portent les questions d'économie publique au frontispice de grandes préoccupations politiques nouvelles. De plus un nombre croissant de biens publics sont dit "excludables" ( c'est à dire qu'ils font l'objet de rivalité), c'est le cas de l'eau dans une bonne partie de la planète. Remarquons  que la science économique, science de la rareté des biens et de la façon d’y faire face « est une ». Les théoriciens  de l’école des choix publics le savent bien.

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La théorie des choix publics, sous l'impulsion de James Buchanan (Prix Nobel d'Économie) et Gordon Tullock, a provoqué un bouleversement dans l'analyse des décisions publiques ( déjà une vieille histoire car datant du début des années 60 , mais débarqué en France seulement 15 ans plus tard). Les deux ouvrages, "The Calculus of Consent" et "The Limits of Liberty", ont entraîné des recherches "en aval" (analyse économique du marché politique, de la bureaucratie, théorie du cycle politico-économique) et des recherches "en amont" (analyse économique de la démocratie, théorie du contrat constitutionnel). Les anciennes contributions des auteurs français, de Montesquieu à Tocqueville, en passant par Turgot et Benjamin Constant retrouvent une nouvelle jeunesse et un droit de cité dans l'analyse de la démocratie:  ces précurseurs du "Public Choice" et de l'analyse des Institutions ont pu revenir à la mode.... mais surtout dans les universités américaines du midlle west. Pour ces auteurs, le cadre institutionnel ne peut pas être considéré simplement comme une sorte de variable exogène. Les "règles du jeu" doivent elles-mêmes être appréhendées à l'instar des variables endogènes. The Calculus of Consent, "L'analyse du consentement" repose sur un postulat simple : les individus, faisant preuve d’égoïsme sur les marchés, ne peuvent guère se comporter différemment dans la vie politique. On peut donc transposer, sur le plan politico-administratif, l’explication du comportement économique des individus sur les marchés. Les hommes politiques, comme les partis ou les administrations, loin d’être les défenseurs de l’intérêt public, n’agissent qu’en fonction de leur propre intérêt. Ils « travaillent » essentiellement à leur propre réélection pour parvenir à des positions de force ou pour bénéficier de la plus grande part possible du budget. L’État ne serait alors qu’une coalition d’intérêts privés, corporatifs, voire un moyen de promotion pour les hommes politiques. ( cela ne vous rappelle rien?).

Le mobile électoral devient au monde politique ce que le profit est à l’entrepreneur traditionnel. En conséquence, il ne faudra choisir l’État que lorsque la solution du marché sera réellement plus onéreuse que celle de l’intervention publique. Buchanan renoue ainsi avec la tradition des « économistes-philosophes » qui, depuis Hume, Adam Smith et surtout Bastiat, veulent éliminer toutes les entraves qui empêchent l’individu d’agir librement. Nos difficultés économiques aujourd’hui ne seraient pas, selon cette école,  le résultat d’une faillite de l’économie de marché, mais seulement le résultat de la carence de nos mécanismes politiques.

Il analyse également la façon dont les gens, électeurs, groupes de pression, administrations se comportent face aux phénomènes politiques,

Dix concepts-clés sont à retenir :             

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  1. On n'a que trop tendance à considérer l'État comme une entité abstraite, au service de laquelle des hommes au dessus du commun peuvent faire des choses interdites aux autres au nom de "la raison d'État". Eh bien non ! Derrière le paravent des institutions, il y a des hommes comme les autres qui se comportent en fonction de leurs intérêts personnels (il ne s'agit pas seulement de leurs intérêts économiques, mais de l'ensemble des choses qui les motivent). Ce qui les intéresse n'est pas "la grandeur de la nation", ou la "solidarité nationale", ou "l'intérêt général", mots grandiloquents, vides de sens concret dont leurs discours sont remplis. Cela, c'est la façade. Comme les autres hommes, qu'ils soient  chefs de famille, chefs d'entreprises, ou salariés, ils cherchent essentiellement à améliorer leur propre sort. Quant à l'électeur, il n'entre pas au bureau de vote miraculeusement investi d'une mission altruiste et transcendante, il vote pour quelqu'un, qui, pense-t-il, défendra ses intérêts, ou plus simplement pour quelqu'un qui lui plaît. Il ne fait jamais qu'exprimer des préférences personnelles. (Pourrez vous désormais écouter un discours politique sans vous souvenir de ce qui précède?).
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  2. Aujourd'hui, dans la plupart des pays démocratiques, la politique s'organise autour des élections, ce qui donne lieu à la "démocratie représentative". Ce ne sont plus les citoyens qui votent leurs impôts, mais leurs représentants. Nous avons abdiqué notre pouvoir démocratique en faveur de nos élus. En échange de nos voix, ceux-ci nous proposent des "services publics" , des législations, des interventions publiques, des subventions, un patchwork de mesures plus mirobolantes les unes que les autres : un petit morceau pour celui-ci, un petit chouïa pour celui-là, un petit morceau pour les retraités, pour les paysans, les viticulteurs, les handicapés, les malades, sans oublier les gens du bâtiment, les provinciaux, les chauffeurs routiers, les fonctionnaires, le petit commerce, le personnel hospitalier, les enseignants, les intermittents du spectacle et ainsi de suite.... Il s'agit d'une espèce de marché, le "marché politique", où les candidats sont l'analogue des entrepreneurs, et les électeurs sont l'analogue des consommateurs. Sur ce marché, on échange des promesses électorales contre des voix. Le problème n'est plus la recherche de la meilleure forme de société, le problème est d'aller à la rencontre de ce qu'attendent les gens. Les programmes électoraux se préparent au moyen d'une "check-list" qui s'efforce de n'oublier aucune catégorie. D’aucuns diront que La démocratie devient de la démagogie. François de Closets a écrit sur le sujet des pages inoubliables que personne ne met en cause (quand elles ciblent les autres). Lisez ses livres, ils valent le détour!
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  3.  Les intérêts individuels des électeurs sont mieux exprimés par des coalitions d'individus que par les individus eux-mêmes. Si vous êtes tout seul à vouloir discuter avec votre candidat, vous aurez peu de chance de faire prévaloir votre point de vue. Si vous êtes plusieurs, si vous vous coalisez, vous serez beaucoup plus efficaces. Si en plus vous vous livrez à des démonstrations de rue relayées par les medias, alors là vous êtes écoutés. Il y a une bonne raison à cela : les candidats n'ont (au mieux) pas assez de temps pour écouter toutes les doléances de M. X ou de Mme Y, au pire ils n'en ont rien à cirer. Il est beaucoup plus efficace pour eux d'écouter quelqu'un qui va parler au nom d'un groupe. D'où l'efficacité présupposée des syndicats. Dans le monde entier, les syndicats ont perdu beaucoup de leur influence sur les travailleurs, qui se sont aperçus que les syndicats étaient conservateurs et malthusiens, dépourvus d'idées nouvelles, bloqués sur des lignes maginot en lesquelles personnes ne croient plus. En France, la proportion de travailleurs syndiqués ne dépasse pas 10% en moyenne. Elle est supérieure dans la fonction publique, inférieure dans le privé, Dans l'éducation nationale si vous êtes professeur, votre avancement dépend du syndicat pour l'essentiel, plus que de votre mérite. Bref, les syndicats ont donc perdu une grande partie de leur légitimité démocratique, et leurs appareils ne vivent plus guère que grâce aux largesses ( et à la complicité) de l'État. S'ils gardent une telle importance politique, c'est parce qu'ils ont un statut privilégié qui leur permet de laisser croire qu'ils parlent au nom des autres, l'essentiel pour eux est de convaincre les medias par une bonne "com" . Pour les hommes politiques, de droite comme de gauche ce sont donc des interlocuteurs normaux. En résumé, l'individu isolé n'a pas sa place sur le marché politique. Seul trouve sa place l'individu agrégé à un groupe, l'individu encadré.
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  4. Parmi les groupes que nous venons d'évoquer, les coalitions "dépensières" sont plus efficaces que les coalitions "économes". Les groupes qui voudraient augmenter le volume des dépenses publiques sont mieux organisés que ceux qui voudraient les diminuer. La raison est simple : ceux qui ont intérêt à ce qu'une dépense nouvelle soit faite, vont profiter de cette dépense de manière tangible : l'avenir de leur situation personnelle, de leur entreprise, ou de leur métier peut en dépendre. Pour chacun d'eux, l'enjeu peut facilement atteindre plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros. Pour le contribuable qui aura à la financer, cette dépense nouvelle, divisée par un très grand nombre de contribuables, ne représentera jamais pour chacun d'eux que quelques euros supplémentaires. On descendra dans la rue pour quelques dizaines de milliers d’euros. On ne descendra pas dans la rue pour quelques euros. Sans compter que ceux qui revendiquent la dépense nouvelle se connaissent. Ils peuvent plus facilement se coordonner que les malheureux contribuables anonymes et isolés. Enfin, on sait comment se répartissent géographiquement ceux qui revendiquent, et on sait comment ils votent. Ils sont donc toujours plus intéressants électoralement que la masse amorphe des contribuables, qui, de toutes façons ne verront leurs impôts augmenter qu'après les élections. Notons qu'il ne s'agit pas là d'un phénomène de lutte de classes. Nous sommes tous à la fois revendicatifs et contribuables, et ceux dont l'éthique les retient dans un premier temps de manger au râtelier, finissent par le faire à leur tour. "Après tout je paie des impôts, pourquoi n'en aurais-je pas moi aussi quelque retour ?". Et l'homme politique ne manque pas de tirer gloire de ses "efforts", alors qu'il ne fait que redistribuer l'argent pris aux autres. Avec cette analyse, les économistes de l'école du "Public choice" ont mis le doigt sur la seule véritable explication de l'accroissement indéfini des dépenses de l'État et de la redistribution. Cette explication est beaucoup plus originale qu'on ne le croit, car si le phénomène était connu, bien d'autres explications, contredites tôt ou tard par de nouveaux faits, avaient été avancées jusque là. Tout ça n'est pas très optimiste, mais c'est comme ça!
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  5. Les élus se livrent à un jeu de négociations qui leur permet de faire avancer leurs propositions de dépenses même s'ils sont minoritaires. Si un élu n'approuve pas un projet de loi qui ne lèse pas son électorat, il le votera quand même, de façon qu'on lui rende la pareille pour un projet qu'il poussera. Les américains appellent cela le "logrolling", par analogie avec les billots de bois que l'on fait rouler les uns sur les autres. "Si tu votes pour mes paysans, je voterai pour tes industriels". Ce phénomène est encore plus répandu aux États-Unis, où il n'est pas rare de voir des représentants démocrates voter avec les républicains pour un sujet donné, regardez! ça se produit actuellement. Lorsqu'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les uns et les autres veulent satisfaire un groupe de pression bien implanté dans leur État respectif . On est loin de l'efficacité économique absolue!
     
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  6. Le comportement des hommes politiques est amplifié par la bureaucratie. Le bureaucrate est avant tout motivé par son importance, son pouvoir, son budget, le nombre de ses subordonnés, la dimension de son bureau. Il est souvent protégé par son statut qui le rend inamovible ; Il a intérêt à ce que l'homme politique en fasse de plus en plus. Chaque nouvelle loi va entraîner des décrets d'application, donc plus de travail pour ses services, mais aussi plus d'importance et plus de moyens.
     
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  7. Les chances d'inverser le sens du marché politique sont minces, à cause du désintérêt des électeurs pour le système politique, phénomène décrit par les économistes du "public choice" sous le nom "d'ignorance rationnelle". L'ignorance tient au fait qu'il est extrêmement difficile de se faire une opinion sur un sujet de société. Les media de grande diffusion véhiculent des événements, ou des opinions superficielles de gens connus. Ils ne véhiculent pas des données, des analyses, des explications. Il faudrait donc consacrer beaucoup de son temps, beaucoup d'imagination et d'énergie, pour arriver à se faire une opinion claire sur un sujet donné, ou sur les capacités, voire la sincérité de tel ou tel. Le commun des mortels y  renonce par commodité ( pour ne pas dire par paresse intellectuelle). On ferait à la rigueur cet effort si l'on pensait que son vote pouvait avoir quelque influence. Mais ce n'est pas le cas. Pas seulement parce que le vote isolé n'est pas efficace, on l'a vu, en l'absence d'une coalition. Mais à quoi bon se donner le mal de convaincre les autres, lorsqu'on sait que de toutes façons, qu'on élise un homme de gauche ou un homme de droite, cela ne changera rien. À la limite, ne vont voter que les gens qui pensent que c'est un devoir, ou ceux qui ont un avantage spécifique à le faire. Ceux qui ont déjà leur biscuit assuré, ceux qui pensent que leur vote ne servira à rien pour eux, préfèrent souvent "aller à la pêche". Ce faisant, ils n'exercent pas le droit de regard qu'ils ont sur le comportement des hommes politiques, et leur attitude fait le jeu de ces derniers.
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  8. rLe résultat de l'élection dépend de " l'électeur médian" : si l'on classe les électeurs par la pensée sur une colonne, en mettant en haut les plus à gauche, et en bas les plus à droite (ou l'inverse pour ne choquer personne), l'électeur médian est celui qui se trouve au milieu. Autour de lui, dans un système bipartite, il y a une frange de gens dont on ne sait pas de quel côté ils vont voter. Pour gagner, un candidat doit faire un effort particulier vis à vis de ce type d'électeur. Un candidat qui affirmerait sèchement une doctrine, qui afficherait un discours radical n'aurait aucune chance d'être élu. Pour être élu, il faut un discours qui plaise sans rien affirmer. Un discours acceptable par les gens d'en face sans déplaire à ceux de son bord. Giscard a déclaré " La France aspire à être gouvernée au centre".   Il serait plus exact de dire "la France est condamnée à être gouvernée au centre", car c'est toujours en face que l'on va chercher les électeurs qui manquent.
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  9. Le Jeu de la démocratie représentative conduit à favoriser les profiteurs au détriment de ceux qui produisent les richesses. En effet il favorise ceux qui cherchent à améliorer leur sort par prélèvement sur les revenus ou l'épargne  des autres. Lorsqu'un groupe de pression cherche  un avantage qui va avoir pour effet de spolier d'autres personnes, il n'est pas obligé d'aller prélever  lui-même l'argent dans la poche de ces personnes. Il lui suffit de s'adresser à l'État. Les spoliés ont d'ailleurs souvent la naïveté d'excuser et de comprendre leur spoliateur. L'État moderne est ainsi devenu une immense machine à transfuser de l'argent de l'un à l'autre, et bien entendu il vaut toujours mieux être du côté du transfusé que du transfuseur. Ce qui fait le jeu des politiciens.
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  10. Je rajouterai néanmoins ( au risque de trahir la pensée de James Buchanan) que de même que l'église a ses saints, la politique même en démocratie a ses héros qui ont incarné des intérêts supérieurs avec lesquels ils se sont identifiés; ceux la ont marqué l'histoire, recueillant momentanément l'adhésion du plus grand nombre ils sont en général le produit d'une circonstance exceptionnelle et d'une personnalité exceptionnelle, la mauvaise nouvelle est qu'en général ils disparaissent assez rapidement après avoir rempli une mission particulière dés lors que l'offre politique qu'ils incarnent cesse d'être conforme à la demande politique qui a évolué, Clemenceau n'a pas survécu politiquement à la fin de la guerre. La bonne nouvelle est qu'ils restent dans l'histoire comme des exemples servant à l'édification des générations futures et à la marche dans le bon sens de la société. Eux seuls méritent le nom d'hommes d'État.
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Cette théorie  n'est pas entièrement originale. On  retrouve chacun des dix points ( tout au moins les neuf premiers d'entre eux) cités plus haut à un endroit ou à un autre de l'œuvre d'Auguste Bastiat qui est d'ailleurs reconnue comme un précurseur de la théorie par les auteurs américains. Si la paternité des idées ne lui en est pas attribuée, c'est qu'il n'a pas rassemblé en un exposé unique l'ensemble de ses trouvailles sur le sujet, qui sont dispersées dans son œuvre.

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Qu’est ce que la politique économique    

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La littérature sur le sujet est bien entendu abondante et tout un pan des études universitaires lui est adressée.

Jan Tinbergen, le premier théoricien de la politique économique en donne une définition très générale peu éclairante mais qui a l’avantage de remettre les pendules à l’heure à une époque où nous sommes noyés par une rhétorique invasive sur le sujet et où pour se faire remarquer les auteurs se fourvoient dans un langage et des élucubrations incompréhensibles pour le commun des mortels : "la réunion d'un certain nombre de moyens pour atteindre certaines fins"  ce qui transparaît avant tout est que la politique économique est une pratique qu’il faut bien différencier des variables économiques ( par exemple le taux d’intérêt) ou des comportements économiques ( la consommation ou la thésaurisation des ménages…).

Les spécialistes modernes comme Xavier Greffe (auteur de Économie des politiques publiques Dalloz 1997) et Jacques Généreux ( introduction à la politique économique (Seuil 1993) exposent que la politique économique serait "un choix du gouvernement qui vise à conduire l'activité économique pour satisfaire certains objectifs en gérant un certain nombre de contraintes et en utilisant de la façon la plus efficace possible un certain nombre d’instruments ( monnaie, taux d’intérêt, taux de change, budget de l’État)"….ou encore que .les politiques macro-économiques, « ce sont les interventions de l’État pour corriger les déséquilibres susceptibles d’affecter l’économie nationale : récession, chômage, inflation et déséquilibres de la balance des paiements ". c'est-à-dire des pratiques correctrice de déséquilibres ».

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De telles définitions si elles correspondent bien aux situations actuelles me paraissent bien peu appropriées à la période balbutiante de l’entre deux guerres ou alors il faudrait dire que pas plus qu’avant 1914 il n’y eu en ces temps là de politique économique, ce qui est parfaitement contestable.

Généralement, quand on évoque le principe de la politique économique, on sous entend que Keynes fut son initiateur théorique. Or avant la publication de la théorie générale, les politiciens que J M Keynes a critiqué ou combattu par exemple le Chancelier de l’échiquier Winston Churchill qui restaura la convertibilté-or de la livre sterling en 1925 ou les gouvernements français des années 1920 donc en quelque sorte les "anti-Keynes", ont bien cherché à mettre en œuvre une politique globale, cohérente, systématique, de contrôle des "grands équilibres", tant au plan des prix, des salaires que du budget de l'État, pour tenter de rapprocher la parité courante des monnaies avec l'or (après 1920), de celle qui existait avant la guerre (1914). Que leurs objectifs aient été contestables est une autre paire de manches…D’aucuns n’hésitent pas à en faire « les inventeurs » de la politique économique contemporaine (Cf. Burda et Wyplocz) même si la politique de Churchill en 1925 a été nuisible à la bonne marche de l’économie britannique et si la politique menée en France ( à la m^me époque - cartel des gauches) à été pour le moins génératrice d’inflation. Ajoutons que Keynes s'était distingué en 1919 par son attitude à Versailles et sa publication ( conséquences économiques de la paix) choquantes pour l'opinion publique française.

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On donnera alors une définition assez large au risque de choquer les spécialistes et de se faire traiter de ringard, en disant que la politique économique est l’ensemble des  actes d’intervention d’un État ou des institutions sous son contrôle qui encadrent, contrôlent, influencent le fonctionnement des marchés au sein du territoire sous sa souveraineté. on peut distinguer : la politique monétaire, la politique de réglementation du  marché du travail, celle des marchés des biens (réglementation de la concurrence, normes de qualité, etc.), a quoi il faut ajouter la politique fiscale et budgétaire, qui s’analyse bien comme une intervention sur le fonctionnement des marchés puisque, par la fiscalité et la dépense publique (au sens large, systèmes de sécurité sociale inclus), l’État fournit des biens publics que les marchés privés ne fournissent pas, ou il opère des transferts sociaux, modifiant ainsi la répartition des revenus qui résulterait du simple fonctionnement des marchés.  Enfin, dernier volet, nous y ajoutons le contrôle aux frontières des circulations de marchandises, des capitaux et des hommes, qui isole partiellement les marchés nationaux de l’extérieur.

Enfin comment ignorer dans une revue historiographique des événements l’impact sur la politique économique des politiques étrangères, de la défense nationale, et de la conduite des guerres ?

Le véritable acteur de la politique économique est bien sûr le gouvernement, le cabinet, l’équipe ministérielle, s’appuyant sur des équipes, soutenu par des partis politiques par des coalitions, dans le cadre d’un programme politique. On parle, par  exemple, de la "politique économique des gouvernements Herriot, Blum, Mendès France, Edgar Faure, Debré ou Jospin" ou de celle de l’Administration de Georges W Bush et aujourd'hui Obama. . Certains feront remarquer que l’Administration protégée par le statut de la fonction publique, est la véritable maîtresse de la politique économique, cela a été vrai en partie sous la quatrième république époque ou les gouvernements ne duraient que quelques mois nous aurons l'occasion d'en débattre. Si trop souvent des gouvernements faibles ont pu être à la remorque de l’administration (c'est-à-dire le personnel des ministères ) , il n’en demeure pas moins que dans nos démocraties le gouvernement ( d'abord le président  en cinquieme république) sous le contrôle  du parlement ( pour le gouvernement lui même) est investi du pouvoir de mener la politique économique de la nation en tant que représentant de l’État. Le gouvernement d’un État, n’est cependant pas le seul acteur de la politique économique..

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La politique économique, tout en étant mise en œuvre par les États peut être fortement influencée par une organisation internationale (Fonds monétaire international, Banque Mondiale) en particulier dans certains pays en voie de développement ou en transition.  Il en est de même, toute proportion gardée, dans les pays industriellement et financièrement développés. Lorsque la Banque Fédérale de Réserve des États-unis prend une décision sur les taux d’intérêt américains, cette décision exerce une influence, parfois très forte, sur un grand nombre d’autres pays y compris sur ceux de l’Union européenne.

Enfin, aux côtés des acteurs dominants de la politique économique (les gouvernements, les banques centrales), une très grande partie des instances représentatives des groupes d’agents économiques et de leurs représentants politiques, syndicaux, lobbyistes  interfèrent dans la prise de décisions  et l’on en revient aux interactions permanentes avec les enseignements de la théorie du « public choice ».

Sous le vocable institutions nous distinguons ( de manière non exhaustive) les ministères, la banque centrale, les niveaux décentralisés de l’appareil de l’État, les caisses de sécurité sociale, de retraite et, bien sûr, les tribunaux. Elles régulent en permanence le fonctionnement des différents marchés selon des règles et avec des objectifs qui ont été fixés par les gouvernements, la liste ci-dessus n’étant pas limitative.

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Aujourd’hui, on observe que les Banques centrales des pays industriellement développés mènent des politiques le plus souvent indépendantes du gouvernement.  Le débat est d’ailleurs ancien et représente l’un des grands thèmes de l’histoire monétaire et de son icône le plus célèbre, la Banque d’Angleterre. Or les banques centrales interviennent activement dans le fonctionnement macro-économique courant en fixant les taux d’intérêt de base ou en pratiquant l’open market,  par ces actions elles diffusent leur interprétation des problèmes du moment. Elles ont une activité de politique économique.  Alan Greenspan longtemps gouverneur de la la Banque Fédérale de Réserve Américaine fut indéniablement un acteur essentiel de la politique économique américaine, agissant éventuellement de manière distincte du gouvernement, on peut en dire autant de Ben S Bernanke son successeur ou de J C Trichet président de la Banque centrale européenne. or ces personnes ont un statut indépendant des gouvernants.

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Les réformes institutionnelles à caractère économique apparaissent comme des morceaux de choix voire même des épisodes glorieux de la politique économique. Les reconstructions d’après guerre, l’aménagement du territoire, la croissance, l’emploi, la sécurité sociale, les régimes de retraites, le logement, la formation professionnelle, sont autant de composantes de la politique économique au même titre que la monnaie et le crédit ou la politique fiscale.

L’économiste averti pourra penser qu’ à vouloir trop embrasser, le politique est condamné à l’inefficacité, en particulier nous pensons que les politiques dites de l’emploi sont généralement des amas de poudre aux yeux ou plutôt des cautères sur une jambe de bois, les politiciens qui ne sont pas stupides en sont conscients mais doivent faire face aux impératifs électoraux ou a celui des sondages et ils ont donc recours à des expédients qui au mieux transforment le chômage visible en chômage caché, car l’emploi n’est « qu’un sous- produit » de la croissance…(sans donner au terme sous-produit un sens péjoratif) et toute tentative de faire de l’emploi un chapitre « à part » de la politique économique est voué à l’échec économique et donc en fin de compte politique... car hélas ou tant mieux dans le monde moderne Il n’est plus guère possible de dissocier le social de l’économique. La contrainte sociale est la dimension de fond de toute politique économique , elle est aussi souvent sa roche tarpéienne.

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Bien sûr, la politique économique suppose, en général, des choix budgétaires et fiscaux. Il existe donc des liens forts entre politique économique et Économie Publique théorique, tout comme entre politique économique et macroéconomie. Les différences, cependant, sont que 1) l'économie publique théorique suppose nécessairement une théorie de l'État. La validité de la théorie de l'économie publique dépend de celle de l'État, à laquelle elle est associée. Alors que la théorie de la politique économique peut s'accommoder de diverses théories de l'État. 2) La politique économique concerne tous les agents et pas seulement l'État. La politique économique n'est pas l'objet direct de cette branche de l'économie qu'est l'économie publique. On ne la retrouve, indirectement, que par le biais de la théorie des choix budgétaires et fiscaux. Un enseignement bien connu de politique économique, mais qu'on se garde de trop vulgariser pour des raisons évidentes,  est, par exemple, que la dépense budgétaire directe est plus créatrice de revenu et d’emploi que la réduction d’impôts (Haavelmo).

Disserter sur la politique économique suppose normalement de connaître un minimum de choses au sujet des agrégats de la macro économie, et de leurs mécanismes d’équilibre, toutes choses plutôt rébarbatives pour le commun des mortels, et sur lesquels je n’ai intentionnellement rien de plus à ajouter à ce que les nombreux et excellents universitaires ont déjà écrits, aussi est ce au coté « anecdotique », intervention humaine, vision par le trou de la serrure, bref événementiel et si possible pittoresque, des décisions de politique économique que je me consacrerai . Mon but est beaucoup simple et ludique : passer en revue l’histoire ( la grande et la petite) et voir ce qui s’est fait et dit en matière de politique économique au fil des décennies, en liaison avec la politique en général qu’elle soit « politicienne » ou celle « des sommets », en France certes, mais sans négliger un univers complétement international ou d’ailleurs la dimension extérieure s’est toujours imposée comme dominante qu’on l’accepte ou non. A telle ou telle époque y avait-il d’autres alternatives "meilleures" ? pourquoi n’ont-elles pas été prises ?  les interactions entre le champ politique et le champ économique sont celles qui principalement retiendront mon attention et mes recherches. Fondé en 1915, le "canard enchainé" est une excellente source pour toute la période, encore qu'il n'est plus ce qu'il fut!

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Est il besoin d’ajouter que la politique économique est en crise et ce n'est pas nouveau, dans le monde globalisé que nous connaissons elle n’a plus actuellement le vent en poupe. Si les ouvrages ont été nombreux (dans les pays anglo-saxons et en Europe) entre 1960 et 1998 , la source s’est considérablement asséchée depuis, c’est peut être que tout ou presque ( ainsi que son contraire) a été dit sur le sujet , y compris sur le mode alternatif anti libéral.

Si crise il y a , elle n’est pas due aux insuffisances de la politique économique mais au vertige des hommes politiques qui refusent de tirer les conclusions de la théorie économique tout simplement par peur des réalités. La persistance depuis 30 ans en France d’un électorat d’extrême droite qui prive la droite libérale d’une fraction de ses électeurs naturels, ne permet comme alternative au socialisme qu’une politique de type "radsoc" -radicale socialiste - tapant assez loin au centre gauche, mais au fond y a t'il là quelque chose de nouveau quand on se place en perspective depuis les débuts de la troisième république, je ne le pense vraiment pas.

 Les  politiques économiques suivies depuis la première guerre ont-elles été pertinentes et efficaces? 

On a perdu un peu l'habitude de se poser ce genre de questions et si l'on met de coté les certitudes du café du commerce les réponses sérieuses ne sont en général pas très assurées. C'est que pour juger de l’efficacité, il faudrait d’abord être sûr des objectifs de telle ou telle politique économique et constater si oui ou non ces objectifs ont été atteints.

Au fait, quand on parle d'efficacité, s'agit il d'efficacité économique ( macro économique) ou d'efficacité politique, au sens ou telle ou telle politique sert les intérêts politiques  (électoraux) du ou des politiciens en question?

Poser la question c'est déjà donner la réponse!

On ne pourra jamais évacuer la dimension politique des questions économiques. Comme nous l’indique la théorie du « public choice » déjà mentionné Il ne faut pas avoir des hommes politiques une vision naïve de personnages guidés par le souci ( le seul souci) de l’intérêt général ( que personne ne sait définir et dont Kenneth Arrow à la suite de Condorcet a démontré l’inconsistance), mais il faut intégrer l’ensemble probable de leurs motivations. Il n'est pas irraisonnable de croire que les politiciens cherchent en priorité leur propre succès politique ; si en conséquence leurs objectifs concordent avec un soi disant « intérêt général », tant mieux, mais il n’y a aucune raison de penser qu'ils  seraient les seuls à chercher l’intérêt général ou le bonheur de l’humanité, cette motivation existe certainement chez un certain nombre d’entre eux, mais probablement moins que chez les individus qui se consacrent en toute discrétion par exemple à l’action l’humanitaire, à l’action sociale, voire aux artistes aux écrivains et aux poètes, et il semble raisonnable de penser que la politique est  au contraire une branche de l'activité humaine qui attire les individus particulièrement motivés par la lutte pour le pouvoir, l’exercice du pouvoir, la popularité ou l'ambition de laisser une trace dans l’histoire. Les objectifs économiques ne constituent donc que des objectifs intermédiaires au service des finalités économiques des décideurs : popularité, postérité, part du marché politique, pouvoir ; certains hommes politiques, comme P Mendés France ont eu une haute idée, voire une idée hautement prétentieuse de l’intérêt général, cela a plutôt raccourci leur présence au pouvoir et ils ont pu y gagner la reconnaissance de leur rôle dans l’histoire ( quoique...).  C'est volontairement que je me prive de citer les grands ancêtres comme Clemenceau ou de Gaulle! On y reviendra.

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Dés lors la question de l’efficacité se ramène à celle de la satisfaction des ambitions desdits décideurs. Certes il n’est pas interdit d’avoir une approche normative et de nous faire les censeurs ou les thuriféraires de telle ou telle politique économique en fonction de son adéquation avec l’intérêt général (mais savons nous ce qu’il est ?).

Nous verrons qu’au cours de la période concernée, la plupart des gouvernements ont été sous pression pour résoudre dans l'urgence des problèmes complètement à court terme, mais n’est-ce pas une caractéristique permanente ! . Quand il ne s’agissait pas de préparer ou de faire la guerre, ou de régler des crises monétaires, il fallait résoudre ou faire face à des crises sociales ou encore de préparer des élections, si bien que seuls des gouvernements forts , menés par des dirigeants d’exception ont pu momentanément repousser les limites de la tyrannie du court terme pour mener temporairement des politiques économiques visant à favoriser la croissance ou à procéder à de véritables changements structurels et ils sont une très petite  minorité . Tous, sans exception, l’ont d'ailleurs payé de leur survie, bel exemple de l’ingratitude des peuples.

Les expériences de conduite de politique économique, depuis un demi siècle, parfois heureuses et souvent maladroites ( la plupart du temps en raison des effets pervers non prévus)  ont certes permis d’enrichir le capital de  connaissances et de Savoir faire  et ce faisant la politique économique serait de plus en plus efficaces (d’aucuns diront de moins en moins inefficace), on essaiera de le vérifier.

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Cela serait d’autant plus vrai que cette pratique repose  sur un appareil d’information très amélioré, sur des instruments et des méthodes de plus en plus sophistiquées. Jan Tinbergen, et plus généralement l’économétrie d’origine hollandaise (mais très rapidement devenue américaine), s’est rattachée à cette conception très ambitieuse de la politique économique. Il est clair qu’aujourd’hui, les gouvernements sont entourés de tout un tas de groupes d’études et d’institutions de conseils et de prévision beaucoup plus habiles à intervenir dans l’économie globale que ne l’étaient leurs prédécesseurs des années 1920-1950. Des institutions étatiques (mais aussi privées) particulières (en France, direction du Trésor, direction de la Prévision, INSEE, commissions parlementaires, autres instituts et observatoires du type OFCE, conseils d’analyse) examinent en permanence la politique économique et l’évolution de ses effets. Les organisations internationales comme l’OCDE , le FMI, la Banque mondiale, l'UNESCO... se livrent à des études comparatives entre pays et fournissent des recommandations que l'on suppose  judicieuses, mais qui sont souvent controversées. Enfin la multiplicité des expériences dans les divers pays servent à l’édification de tous et c’est un véritable savoir « global » qui s’est constitué, à dominante anglo saxonne. Les échecs passés, en particulier des 70 ans de collectivisme soviétique constituent également un capital d’information et une matière à réflexion et information forts utiles.

Cela signifie-t-il, pour autant, que la politique économique puisse être codifiée et rendue aussi efficace que semblait le croire Tinbergen ? et comme après lui d’autres l’ont cru et en particulier les économistes américains  du " fine tuning " de l’époque Kennedy (1961-1965) ou encore chez nous les tenants de la RCB (rationalisation des choix budgétaires) de l’époque Giscard d’Estaing  (celle ou il était ministre des finances). La conjoncture des années 60 a pu influencer de telles croyances lesquelles résultent également d’une certaine idée (technocratique) de la puissance et de la capacité des mécanismes étatiques à régler les grands problèmes économiques. Mais depuis lors la politique économique a subi des échecs retentissants et répétés aux Etat Unis et en Europe et le doute reste permis.

La période actuelle ( début du 21eme siècle) n’est plus particulièrement propice à l’optimisme béat. La politique économique n’a pas permis la réduction du chômage, ce qui ne nous étonne qu’à moitié, elle a certainement contribué à réduire fortement le taux d’inflation. Elle peut faire surgir des conflits sociaux quand se voulant rationnelle elle heurte des intérêts puissants ou déclenche des peurs plus ou moins injustifiées et ces conflits ont pour effet des reculs qui signifient le retour au niveau zéro de la politique économique (automne 1995, en France). Sans aller jusqu’au conflit ouvert, elle peut engendrer des comportements de contournement quand elle ne crée pas elle même des effets pervers structurels qui ne se découvrent qu'à long terme (en son temps loi Royer sur la limitation de la grande distribution par exemple). Ce qui peut conduire à mettre en doute le bien-fondé de sa pratique. Pour les " nouveaux classiques ", la politique économique est une pratique non seulement obscène mais inutile.

Mais le vrai problème de l’action économique n’est pas tant celui son efficacité que celui de sa rationalité au regard de l’intérêt général ( que , répétons le, l’on a bien du mal à caractériser) compte tenu de la pluralité de ses concepteurs et ses bénéficiaires... La société étant composée de groupes sociaux distincts aux intérêts parfois incompatibles, les gouvernements élaborent-ils des politiques économiques d’intérêt général ou des politiques économiques visant à satisfaire des intérêts particuliers, quand bien même elles seraient élaborées au nom d’un soi disant intérêt général?

Dans l’opinion courante l'objet de la politique économique est avant tout la correction des déséquilibres conjoncturels macro-économiques par l’action gouvernementale . On distingue, de manière classique, la Politique économique conjoncturelle (ou de court et moyen terme, de 0 à 5 ans), de la Politique économique structurelle (5-10 à 20 ans) Historiquement, la politique du MITI, institution gouvernementale japonaise, en matière de développement de produits nouveaux, fut un exemple de Politique économique structurelle efficace, mais depuis lors l'eau a coulé sous les ponts et depuis 20 ans le Japon débordé par ses voisins asiatiques et victime du vieillissement de sa démographie est en longue récession ... La politique de privatisation de certaines entreprises publiques, à laquelle les gouvernements conservateurs attachent une grande importance, relève plus du structurel que du conjoncturel, même si, par ailleurs, les privatisations ont des effets conjoncturels (affectation des ressources à la couverture de dépenses publiques), et sont conçues comme devant avoir une efficacité heureuse rapide sur le fonctionnement économique.  

Cela dit, on a plutôt tendance à réserver l'emploi du terme "Politique économique" à des actions de l'État (du gouvernement) concernant le niveau, l'évolution et les rapports des grands agrégats, pour le court et moyen terme. Cela tient au fait que la plupart des gouvernements en sont au stade de la pose de rustine et du rafistolage et ne veulent ou n’ont pas le loisir à de rares exceptions prés de mettre en œuvre de véritables politiques structurelles génératrices de croissance à moyen et long terme et , fait pas forcément récent mais qui s'est fortement développé, la gesticulation à vocation médiatique prend une ampleur démesurée . De fait, "dans le long terme, nous serons tous morts", et en particulier les gouvernements actuels ne seront plus au pouvoir…Comment ne pas comprendre que les gouvernements attendent des jours meilleurs pour déclencher des reformes de structures et s’y engagent souvent le dos au mur. La politique économique structurelle est un exercice différent de la politique macro-économique de court et moyen terme.

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 Les politiques économiques sectorielles

C’est au plan sectoriel que la politique économique macro-économique réalise tant bien que mal la liaison entre le court et le long terme. Supposons par exemple que soit décidée pour l’immédiat, le court terme, une politique économique de stimulation de l’investissement des entreprises exportatrices, L’objectif poursuivi peut avoir des effets multiples. En tous cas il en aura au moins deux. Dans le court terme, une stimulation de la demande globale par l’intermédiaire des aides diverses (crédits moins chers, impôts réduits, subventions, etc.) accordées aux investisseurs, dans le moyen long terme (c’est le but recherché) réduction du déficit de la balance commerciale, si les aides sont efficaces, ce qui n'est pas évident compte tenu des effets pervers, tels les effets d'aubaine du système. Pour relier entre eux ces deux horizons, il peut être utile (ce n’est pas une nécessité logique) que cette intervention prenne place dans le cadre, par exemple, d’une politique économique industrielle, ou d’une politique économique agricole, ou d’une politique économique des transports, ou d’une politique économique du tourisme, ou d’une politique économique de l’énergie.

Le domaine de définition de la politique économique est donc d’une part le domaine général des équilibres macro-économiques, sans pour autant exclure une approche sectorielle plus ou moins étendue en raison de l’existence de goulets d’étranglement générateurs de déséquilibre.

Enfin il est nécessaire de souligner les progrès institutionnels visant à empêcher ( ou plus modestement à freiner) les dérives financières des politiques économiques , la LOLF ( loi organique relative aux lois de finances) en est un exemple, encore faudrait il ne pas être dupe de efficacité réelle versus les effets d'annonce.

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 Politique économique et réglementation de la concurrence

Notre expérience et nos observations montrent que la concurrence parfaite n’existe pas , n’a jamais existé et n’existera jamais dans un monde tourné de manière probablement irréversible vers l’ouverture. les imperfections du marché, les « externalités » de toutes sortes, les « asymétries d’information » sont la règle courante.  L’activité de toutes les entreprises vise en permanence  la conquête d’un certain pouvoir de monopole (en général quand même dans le respect des réglementations existantes) ; Diverses techniques et moyens institutionnels sont utilisés pour parvenir à cet objectif, par exemple le binôme innovation- protection par les brevets, le marketing mix et bien d’autres pratiques.

Doit on exclure du champ de la Politique économique les interventions étatiques courantes de réglementation du marché , nous ne le pensons pas ni dans le cas évidents de réglementation qui visent par exemple, à  protéger les  consommateurs dans le cas d'achats effectués à crédit , il s’agit là de lutter contre les abus les plus grossiers, ni dans celui (structurels) de réglementations du type loi Royer , déjà évoquée, qui ont visé à limiter l’implantation des grandes surfaces en début des années 70 sous la pression du petit commerce  et qui  en l’occurrence ont eu des effets structurels pervers considérables en facilitant la concentration de la grande distribution ( avec ses centrales d'achat au nombre de 4 ou 5 tout au plus). C’est donc le type même de décisions qu’il ne faudra pas manquer de relever lors de la revue historique des événements.

L'observation montre également que, dans les périodes électorales ( somme toutes assez rapprochées les unes des autres à l’échelle temporelles des réformes de structure) , il aura fallu plus de 7 ans après le vote de la loi ( 1954) pour que la suppression du privilège des bouilleurs de cru devienne effective (1962). Il existe de fortes pressions pour que les décisions les plus rigoureuses ne soient pas immédiatement appliquées (certaines ne le sont même jamais). Que l’on se souviennent du choix de de Gaulle en 1945 entre les préconisations de Mendès France et René Pleven, de Gaulle ayant tranché pour la méthode douce de Pleven  contre le remède de cheval de Mendés…... Beaucoup d'hommes politiques à l'instar de leur électorat  considèrent que le déficit de l'État doit être sévèrement réduit, Mais lorsque les échéances électorales approchent  ils sont les premiers  à lâcher du lest financier dans tel ou tel domaine. Nous en verrons moult exemples au cours de la période étudiée.

Nous nous méfions particulièrement des dérives que l’économétrie peut engendrer pour  la politique économique  qui sera toujours un art.  Nous adhérons à l’idée que si théorie de la politique économique il doit y avoir, une telle théorie ressemble davantage à un ensemble de préceptes, de règles de bon sens, de résumés de l'expérience pratique. Certains auteurs, comme l'a fait Tinbergen, ont cherché à donner à l'économétrie un tour formellement achevé. Il ne faut pas se faire d’illusion sur ces travaux, et dieu sait s’ils sont désormais nombreux depuis que les cartomanciennes débordées n’ont plus le temps de s’occuper des hommes politiques, les gouvernements n’ont aucun problème à mobiliser de plus en plus de ressources pour mener à foison de tels travaux..

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Politique économique et décentralisation

Il s'agit d'un domaine relativement nouveau ( moins de 35 ans). La décentralisation prend réellement effet en France depuis le milieu des années 90 avec les nouvelles attributions de compétence des collectivités locales et les enjeux politiques concomitants avec des germes de situation plus ou moins conflictuelles entre les administrations et le pouvoir central d'une part et les pouvoirs régionaux et collectivités qu'ils contrôlent.

Sur le plan de l'efficacité, le maintien du millefeuille administratif ( voire l'adjonction de couches à ce millefeuille) et les crispations des intérêts locaux visant à empêcher la suppression des anciennes couches rendues plus ou moins obsolète par le progrès technique et les modifications du paysage humain dans son ensemble ne permettent pas d'être d'un optimisme béat. Tous les gens sérieux en sont conscients, mais ce qui a été dit plus haut sur les motivations politiciennes montre bien que le changement sera long. Il faudra bien diminuer le nombre de couches du millefeuille!

 

Le lancinant problème de la dette publique et des prélèvements obligatoires

La classe politique française de gouvernement  ( droite et gauche confondues) est actuellement particulièrement piégée par la question de l'endettement public pour un pays qui a atteint un très haut niveau de prélèvement obligatoire, une vraie quadrature du cercle. Le recours simpliste à une hausse des prélèvements faisant pressentir de forts effets pervers.

A juste titre on a fait l'Europe ( plus exactement les gouvernements ont tenté de la faire et les présidences  socialistes sont de mon point de vue les plus crédibles sur ce point); le livre blanc de 1984 et l'acte unique sont de très bonne choses, sauf que l'on a fait une monnaie unique sans avoir des institutions fiscales unifiées ( ou en voie de l'être),

L’appartenance de la France à l’Union économique et monétaire européenne, depuis 1999, lie son destin économique à celui des autres nations européennes, et nécessite, pour éviter les phénomènes de passager clandestin et garantir la solidité de l’ensemble, le respect de critères définis par le traité de Maastricht, dont notamment un déficit public sous les 3 % du PIB ( il est en 2010 de 7,7% et sera 6% en 2011) et une dette publique inférieure à 60 % du PIB.

La charge de la dette publique représente le paiement des intérêts seuls. Dette publique et dette de l'État ne recouvrent pas tout à fait les mêmes concepts, mais , bon, n'entrons pas trop dans la technique ( allez sur le site du ministère du budget pour en savoir plus).

Alors qu'en  2006, et pour l'État seul, la charge des intérêts de la dette était de 39 milliards d'euros, soit 14,6 % du budget de l'État, elle  se montait en 2007 à plus de 50 milliards d'euros (augmentation de 12 % par rapport à 2006).

En 2010 avec un chiffre de l'ordre de 43 milliards ( en baisse donc grâce a la baisse des taux d'intérêts) elle est entre 15% et 18% des recettes annuelles du budget de l'État, soit la presque totalité de l'impôt sur le revenu payé par les Français (qui est de 52 milliards en net ).  On mesure la dégradation en 4 ans, dont sont responsables la crise et le plan de relance. Cette charge va mécaniquement augmenter en 2011 et encore plus en 2012, et que dire si les taux d'intérêts qui n'ont jamais été aussi bas qu'en 2010, ré augmentent . plus de 70% de la dette publique française est détenue par des non résidents ( assurances et banques étrangères), on comprend l'importance du rôle des agences de notation et le peu de pouvoir français pour les influencer!

Que dire sil a croissance n'est pas au rendez-vous et si le chômage ne baisse pas?

Le service de la dette, quant à lui, représente le paiement annuel des échéances (capital plus intérêts) des emprunts souscrits. C'est une notion dont on ne parle pas beaucoup car l'État ( Agence France Trésor) emprunte pour rembourser des emprunts ( façon de faire que Madoff avait parfaitement compris pour se l'approprier!) et peut être parce que les chiffres feraient peur.

A lui seul, le remboursement du capital de la dette ( les vieux emprunts venant à échéance), , représente pour l’État environ 80 milliards d'euros ( à la louche), c'est-à-dire plus que la somme de toutes les  recettes fiscales directes (impôt sur les société, ISF, etc.) autres que l'impôt sur le revenu et la TVA.

Ce montant du service de la dette qui était de 118 milliards en 2008 et doit être ( à la louche) de 130 milliards en 2010  est plus du double du premier poste budgétaire de l'État français,  l'enseignement scolaire ( 60 milliards) et  pas loin du quadruple de celui de la Défense (37 milliards).

Il est à peu prés du même montant que la totalité des ressources fiscales directes, ou encore, à peu prés égal à la TVA (environ 130 milliards) ou encore de plus de la moitié des recettes fiscales de l'État ( 254 milliards en 2010 en net) dont on sait qu'elles représentent plus de 90% de ses recettes totales. Telle est sauf erreur l'ampleur de la question. On comprend le vertige du premier ministre F Fillon qui en 2007 parlait "d'un état en faillite". Les choses ont empiré depuis.

En 2011, l'État va devoir lever ( emprunter à nouveau) 220 milliards d'euros, dont 100 milliards rien que pour rembourser le capital de la dette qui arrive à échéance ! . . Cela personne ne le conteste.

Le "non" français au  référendum de 2002 sur le traité constitutionnel européen fut presque suicidaire. On ne peut pas ( on ne peut plus) vouloir faire entendre sa voix dans un univers ouvert face aux nouveaux géants démographiques devenus des géants économiques et politiques et rester enfermé dans pré carré autour de son clocher. Un temps précieux fut perdu qui ne sera jamais rattrapé ( ne jamais dire jamais ?...). Or les 2 grands problèmes  (dette publique et prélèvements obligatoires), qui n'en font qu'un (l'endettement des Français d'aujourd'hui et de demain), attendent désespérément de trouver sinon une solution définitive, du moins des solution de rémissions temporaires et porteuse d'espoir. La bénéfique pression politique de l'Europe en direction du respect d'une plus grande discipline budgétaire nationale uniformisée aurait été bien plus grande si la réponse au référendum avait été "oui".

En soi une dette publique, même à 82% du PIB, comme l'est celle de la France en juillet 2010 ne serait pas grave si les déficits publics étaient sous contrôle avec un plan crédible de réduction. Les préteurs ( nationaux ou internationaux ) ne manquent pas pour acheter des parcelles de cette dette à l'AFT (agence "France Trésor"), à condition d'en obtenir des intérêts concurrentiels compte tenu du risque que prennent ces prêteurs  ( qui pour 70% des montants sont des institutions étrangères qui ont plein d'autres possibilités) et dans cette situation la position des agences de notation est fondamentale. Que la note "AAA" soit dégradée et c'est la facture des intérêts dus par l'État à ses préteurs qui en prend un vieux coup,  or cette facture ( si l'on y ajoutait le remboursement des échéances de remboursement des emprunts venus à échéance - ce que tout particulier responsable ferait) serait et de loin, très...très loin le premier poste de la dépense publique.

Si l’administration publique française était soumise aux mêmes critères de mesure d’endettement qu’une entreprise privée, à savoir le ratio dette sur chiffre d'affaires, elle serait considérée comme largement trop endettée, (et c'est un euphémisme) puisque le ratio dette sur dépenses publiques dépasse les 120 %. Cependant, étant donné les moyens ( réels) de coercition de l’État et sa capacité à lever de nouveaux impôts, les agences de notation estiment que le risque de défaut sur la dette publique est minime ; par ailleurs l'État français n'a pas fait défaut sur sa dette depuis 1796.

Mécaniquement la dette publique française atteindra au moins 90% du PIB  en 2012 , peut être plus si la croissance n'est pas au rendez vous. L'augmentation de l'endettement des principaux pays développés, à partir des années 1980, a conduit certains économistes à définir et évaluer un peu doctement à la manière pédante du Thomas Diafoirus  de Molière la « soutenabilité » à long terme de la dette publique d'un pays. La France apparaissait, dans cette littérature, comme ayant une dette moyennement soutenable. La persistance de déficits publics élevés remet en cause cette soutenabilité.

Facteur aggravant, ( et c'est là où je veux en venir) la dette publique française se situe dans un contexte de prélèvements obligatoires extrêmement élevés.

Les prélèvements obligatoires ( fiscaux, sociaux, locaux )...dépassent 42,5% du PIB contre 27% pour les USA, 34,8% pour l'Allemagne, 27% pour le Japon. (Attention! la définition du concept est encore un peu flou et des divergences existent entre institutions internationales, ce qui permet de sous estimer la réalité et fausser un peu les comparaisons permettant aux politiciens de mentir un peu sans en avoir l'air, ce qui est de bonne guerre!).

Seule la Suède nous dépasse sur ce plan (plus pour très longtemps).

Les administrations de sécurité sociale ( ASSO) exercent une ponction égale à  presque 25% du PIB et se taillent la part du Lion. Les dépenses de retraite payées par ces administrations représentent environ 15% du PIB et la santé 10%. Les administrations locales ( APUL) ponctionnent 6%. et finalement les administrations publiques nationales se contentent du reste ( moins de 20%).

Ces chiffres éclairent ce que seront les enjeux de la politique économique au cours des 10 années à venir dans un monde ouvert , caractérisé par l'émergence de grandes puissances ( ASIE Amérique du Sud) mais globalement en paix ( hypothèse optimiste).

En nous plaçant en perspective historique nous verrons que L'État français a souvent eu recours à la dette pour faire face à des dépenses fortes et soudaines, comme les guerres. La dette a fluctué, passant par exemple par une valeur presque nulle (par rapport au PIB) en 1540 ou en 1820, et atteignant jusqu’à environ 290 % du PIB en 1944. Après les périodes de forte augmentation, il est apparu à certaines époques que la part de la dette dans le PIB ( reconstitué par les historiens) fut rapidement réduite, principalement en raison d’une forte hausse de l’inflation (qui réduit la valeur réelle de la dette, et donc spolie partiellement les détenteurs de la dette) et d’une croissance forte du PIB ( ou de ce qu'on en a reconstitué en tout anachronisme). Un tel niveau de dettes était « amorti » par le jeu de dévaluations successives du franc par rapport aux autres monnaies. Ce « jeu » de dévaluations n'étant plus possible depuis la création de l'euro unique en 2002, il constitue le principal sujet de désaccord exprimé par les opposants à l'euro comme monnaie unique au lieu de l'euro monnaie commune.

Comme nous le verrons par le détail pour la période 1917-2000 , les  vingt années de paix qui ont suivi l'armistice de 1918 ont été marquées par un bouleversement durable des rapports de force internationaux, par l'émergence des idéologies totalitaires ainsi que par des progrès techniques considérables. Cette période constitue un ensemble cohérent et homogène qu'il convient d'appréhender dans sa globalité. La première moitié de la période fut marquée par une croissance indéniable liée notamment à la reconstruction des régions sinistrées.

Mais ce qu'il faut retenir de cette période ( 1917-1930) c'est bien la constatation de l'euthanasie du rentier, lui que l'État avait courtisé tout au long de la guerre (et après ) pour qu'il apporte son or et souscrive des bons de la défense nationale.

Et celui qui à débranché les appareils n'est pas n'importe qui, Raymond Poincaré en personne, le symbole même du centrisme de droite et du consensus républicain, ça s'est passé en 1926 et ça s'est appelé: "victoire des stabilisateurs".

C'est ainsi que la dette publique portée à des sommets comme suite à la Première Guerre mondiale en particulier revint à un niveau "soutenable".

 À partir de 1932 ( en France et non 1929 comme en Amérique), la crise économique et sociale et la montée des nationalismes étatiques agressifs créèrent une atmosphère de tension et de peurs un peu partout en Europe, mais moins dans les démocraties ( Royaume Uni, France, Belgique, Pays Bas pays scandinaves).

Les années trente furent le théâtre de la crise économique d’ampleur mondiale que l'on sait déclenchée par le krach de 1929 ( en 1930, 1931 et dans la première moitié de 1932 les politiciens se vantaient de diriger une France îlot de prospérité dans une mer battue par les flots). La principale conséquence de cette crise aura été l’exacerbation de la concurrence entre les nations et le protectionnisme: les rivalités économiques ouvrent une porte dans laquelle s'engouffrèrent  des rancunes politiques plus anciennes, souvent nées  du règlement à courte vue de la Première Guerre mondiale.

 Avec la disparition des rentiers ( euthanasiés), il a fallu trouver d'autres clients pour les emprunts publics, cela a mis un certain temps, et je dirai même une nouvelle guerre mondiale et ses suites puisque "ça n'est que" vers les années 70 que l'État ( tout au moins en France) a institutionnalisé le recours permanent à l'emprunt pour financer les dépenses publiques, en se tournant  vers les marchés financiers mondialisés.

Au cours du XXe siècle, période objet de mes observations dans les chapitres qui suivront, la structure de la dette a progressivement évolué : les emprunts perpétuels ont été rachetés par l’État, et la dette auprès de la Banque de France a été épongée.

Le recours à l'emprunt fut de plus en plus fréquent et "notamment" motivé,  par les dépenses militaires : construction de la ligne Maginot, guerre d'Indochine par exemple. Pour autant, la forte croissance économique de la France à partir de 1945 ( qui repartait de très bas il ne faut pas l'oublier) permit de maintenir la dette dans des limites "soutenables" dans bien des exercices budgétaires.

Dans les années 1970, une hausse de l’inflation à l’échelle mondiale fut provoquée dans l'ordre chronologique par la suspension de la parité du dollar américain avec l'or (adoption généralisée du système des changes flottants) et par les chocs pétroliers (et le second ne fut pas le moindre).  En conséquence, l'inflation sapa dés lors la confiance des prêteurs, à une période où l'état augmentait ses dépenses pour tenter de relancer la machine économique et de limiter les désordres sociaux de la crise économique : il dut recourir à l'emprunt de façon plus massive et plus durable. Les coûts croissants de la protection sociale ont alors commencé à creuser sérieusement  les déficits publics et augmentent les niveaux de dette. Ainsi, dans les années 1970 et 1980, les pays industrialisés sont entrés dans un régime inédit de dette permanente : « pour la première fois dans l’histoire fiscale moderne, les gouvernements usèrent explicitement de la dette pour financer les dépenses publiques courantes, incluant les transferts sociaux ». Au même moment la désinflation compétitive a "heureusement" fonctionné sous Fabius, mais cela eut pour effet de faire croître fortement la dette. Elle finit par atteindre à la longue des niveaux tels que les intérêts versés et le service de la dette ( incluant les remboursements des emprunts eux mêmes) devinrent  plus que significatifs et préoccupants ce qui est le cas actuellement.

De plus, pour conforter la confiance sur la stabilité de la valeur de la monnaie, la France s'est interdite (à juste titre) avec la loi du 3 janvier 1973 les concours de la Banque de France au Trésor public, notamment les émissions de crédit sans intérêt. Ceci revenait à s'interdire de « faire marcher la planche à billet ». Cette décision de principe fut confirmée lors des nouveaux changements de statut de la Banque de France en 1993. Le recours à l'emprunt est dés lors devenu d'autant plus nécessaire. De fait si l'on regarde ce que font en 2010 les USA , il y a de multiples façons de faire fonctionner ladite "planche à billet" , et Ben Bernanke ( surnommé Helicopter Bernanke, car en galéjant il prévoit de déverser par voie aérienne des sacs de dollars sur le territoire américain ) devrait "être le dernier à démentir. Keynes, pourtant ancien monétariste avant 1931, mais devenu repenti ( seuls les imbéciles ne changent jamais d'avis) avait pourtant attiré l'attention sur l'existence de la "trappe à liquidité" et sur l'impuissance du volet monétaire de la politique économique, impuissance que personnellement je compare à celle du monsieur qui voudrait faire rentrer dans le tube le dentifrice qu'il a fait sortir en pressant dessus ou de la dame qui voudrait faire entrer le fil à coudre dans le chais d'une aiguille en poussant dessus. L'effet pervers du recours au volet monétaire pour relancer l'économie c'est la création de bulles et les bulles explosent. Mon dieu que nous vivons dangeureusement!

Pour conclure

 En fait  tout simplement, au risque de décevoir,  il n'y a pas de magie. La  politique économique, selon moi, c’est avant tout une bonne dose de bon sens économique de persévérance et beaucoup de sensibilité politique et de finesse ( politique ne veut pas dire politicienne). Les institutions, les problèmes sociaux, les mentalités, les histoires, diffèrent d’un pays à l’autre. Les politiques économiques furent, sont, et seront  donc, elles aussi, différentes. Les nations sont imbriquées dans un concert qui d’ailleurs n’est pas toujours harmonieux, et la plupart du temps l’économie d’une nation subit l’impact de la politique économique d’autres nations dominantes ou non, c’est selon. C’est la raison pour laquelle notre investigation ne devra pas se limiter au cadre hexagonal mais devra faire des incursions poussées dans l’histoire contemporaine de la plupart des pays développés qu’il s’agisse de la période de l’entre deux guerres ou de la période postérieure à la seconde guerre. La politique économique de la France fut la plupart du temps une politique économique réactive aux événements et situations, celle du "chien crevé au fil de l'eau" (pour reprendre l'expression d' André Tardieu s'adressant en 1921 en séance au président du conseil  Aristide Briand - plutôt injustement selon moi - à propos de son action de politique générale). Elle fut toujours fortement teintée d'idéologie des deux grands bords lors de situations diverses, elle fut rarement pro active, c'est bien là  la tare de la démocratie, "le pire des régimes politiques à l'exception de tous les autres" comme l'a dit Churchill. Enfin les 45 dernières années de cette période de plus de 90 ans fut marquée par l’insertion (intégration serait un mot exagéré) croissante du pays au sein de l’Europe, d’abord dans un contexte d'un monde bipolaire - guerre froide- à l’abri du bouclier américain et puis récemment dans un contexte unipolaire ( certains diront impérial, mais les empires sont mortels) . Donc on ne s’étonnera pas de voir la politique économique européenne prendre une place importante dans nos investigations.    retour