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chapitre 1
Introduction
De l’intendance à la politique économique
« L’intendance suivra » ; on attribue cette déclaration au Général de Gaulle
au temps du gouvernement provisoire. L’a-t-il dit réellement ? selon Jean
Lacouture il s’en est publiquement défendu.
Des
ministres fidèles comme par exemple Louis Joxe sont pourtant affirmatifs.
Alain Peyrefitte, le pieux ministre, beaucoup plus tard dans le tome 2 de
« c’était de Gaulle » intitule la quatrième partie de son livre « Il faudra
bien que l’intendance suive » .
En
fait le professeur d’histoire militaire qu’était de Gaulle pastichait
Napoléon Bonaparte à qui l’on attribue cette citation, et laissait entendre
derrière l’ironie et le laconisme de la boutade: « vous m’entreprenez sur
la question de l’aptitude du pays à soutenir une politique d’expansion et
d’indépendance nationale , un grand pays comme le nôtre y arrivera pourvu
qu’il en ait l’ambition et la volonté...» , de Gaulle n’était il pas alors en
train de donner l’exemple de ce que la volonté politique permet d’atteindre
et n’est ce pas lui qui a écrit quelque chose sur la nécessité
pour les hommes politiques de "viser haut
et de rester sur les sommets sans jamais en redescendre".
Féru
d’histoire le général savait bien que ce "cher et vieux pays" s’était construit de manière
centralisée, jacobine, et que l’État avait été depuis longtemps un acteur
essentiel de l’économie , il admirait Richelieu et l’œuvre de
Colbert. Si Georges Bidault l’a entendu maugréer pendant l’hiver 1944-45
qu’il ne s’était pas installé rue Saint Dominique pour « distribuer les
rations de macaroni », tous ses ministres s’accordent pour dire qu’il
consacra tant en 1945 qu’après son retour au pouvoir en 1958 plus de la
moitié de son temps aux affaires économiques et sociales. D’ailleurs pouvait
il faire autrement en 1944-45 à une époque où la ration alimentaire moyenne
par habitant tombait en dessous de 900 calories et où tous les pans de
l’économie qui n’étaient pas encore par terre menaçaient de s’écrouler. En
fait cette période correspond très exactement à une grande évolution du
stade d’intervention de l’État dans la société civile.
Si l’on
considère l’époque actuelle on distinguera à la suite de
R. Musgrave (The
Theory of Public Finance, 1959) 3 fonctions traditionnelles de l'État:
- La
fonction d’affectation
des ressources désigne le financement des biens et services collectifs (ou
biens et services publics). La consommation ( et/ou la jouissance de tels
biens et services (la défense , l’air pur, la sécurité routière, la propreté
de l’environnement …) par une personne n’en réduit pas la quantité à la
disposition des autres, et, il est impossible d’empêcher une personne de les
consommer ou plus précisément d’en jouir. Adam Smith évoquait déjà cette
fonction, reconnaissant à l’État le rôle de produire ces biens (citant
notamment les routes) qui ne peuvent être offertes par le marché.
- La
fonction de redistribution
désigne la recherche par l’État d’une certaine égalité entre les individus
et la garantie à tous d’un certain niveau de bien être. Cela correspond à
l’objectif de justice sociale et à l’émergence de l’Etat-Providence apparu
depuis la fin du 19ème siècle.
-La
fonction de régulation,
enfin, désigne les efforts de l’État pour limiter les fluctuations de
l’activité économique et favoriser la croissance.
Dans les
années 30, comme nous le verrons le moment venu, la théorie keynésienne
attribue aux gouvernements la capacité de relancer l’activité dans les
périodes de dépression. Un keynésien, Nicolas Kaldor, précisera les
paramètres du pilotage conjoncturel de l’État ( le fameux carré magique): le taux de croissance, de
chômage, d’inflation et l’équilibre extérieur. Dans les années 60 les
polémiques autour de la courbe de Philips et l’avènement du
monétarisme de Milton Friedman ( à mon humble avis, pernicieusement monté en
épingle par les pro libéraux) mettront un bémol à ces règles de pilotage de
la conjoncture, mais n’anticipons pas.
Dans la
réalité les trois fonctions ci dessus ne sont pas indépendantes l’une de
l’autre. Ainsi, l’action redistributrice de l’État a pu servir l’objectif de
régulation: donner davantage aux ménages pauvres, si on leur suppose, comme
J M Keynes, une propension à consommer plus élevée que les ménages riches,
permet de relancer la consommation et donc l'économie dans son ensemble. Le
français Christian Saint Etienne a écrit de bonnes choses la dessus.
L’évolution vers l’omniprésence de l’État dans l’Économie n’est pas bien sûr un phénomène spécifique à la France car il est le fait de
tous les pays développés, mais il est particulièrement important en France,
pays dont l’histoire est celle d’une croissance centralisée depuis plus de
mille ans ( Hughes Capet) et qui a connu au 17eme siècle le fameux Colbertisme puis, après
quelques velléités de libéralisme au 18 siècle (époque de Turgot, Trudaine
et des lumières), une « resucée » de jacobinisme avec la révolution
et l’Empire.
Pierre
Rosanvallon dans L’État en France de 1789 à nos jours (page 15)
- Seuil 1990- distingue
quatre figures de base successive dans l'État, qui constituent autant de
modalités spécifiques du rapport État-société:
L’État
régalien qu’il appelle « Le
Léviathan démocratique ». La métaphore de l’État Léviathan est empruntée à
l'Anglais Thomas Hobbes (1588-1679). Écrit en 1651, Léviathan œuvre majeure
de Hobbes a ouvert la voie à la philosophie politique moderne et a nourri la
réflexion politique jusqu'à la Révolution française.
Contrairement à ses nombreux prédécesseurs, Hobbes ne soulève plus la
question du choix du meilleur régime mais il contribue à fonder la politique
sur la " vérité effective des choses ", à la façon de Machiavel, et
s'interroge sur l'obéissance légitime et par conséquent sur la souveraineté. « L'état
de nature » qu'Hobbes décrit est
un mode de vie impitoyable et insupportable. il popularise la fameuse
expression de Plaute « L’homme est un loup pour
l’homme ». Les hommes, pour
préserver leur vie et pour s'acheminer vers la paix, renoncent d'eux-mêmes à
cet état de guerre et choisissent une autorité supérieure : le souverain.
Celui-ci hérite de tout ce qui était propre aux individus dans l'état de
nature pour en être le détenteur exclusif. Le Léviathan, cet
anthropomorphisme utilisé par le philosophe, détient un pouvoir absolu et
illimité en échange de la paix civile apportée aux individus. C'est une
organisation politique artificielle parce qu'elle est le résultat d'un
contrat passé entre les hommes. L'unité de ce " corps politique" est rendue
possible par l'existence d'un représentant unique et non pas par les
individus qui le composent. Son âme est l'autorité politique.
Partisan
de l'absolutisme, Hobbes fait du souverain un être raisonnable guidé dans
son action par des considérations utilitaires, dont le devoir est de
réussir. Pour certains, à partir de son interprétation libérale de la loi,
Hobbes serait même un des fondateurs du libéralisme. A travers la
description rationaliste du contrat social et du pouvoir souverain c'est la
dimension scientifique de la politique qui est mise en exergue . Rosanvallon
va plus loin en disant que la modalité de la constitution de l'État est
remise en Cause par la notion de contrat politique ou social qui ouvre la
voie au développement de la démocratie politique et à la mise en place de
gouvernements représentatifs. Le Léviathan démocratique est l'État dans son
rapport à la société comme puissance constituante (rapport de constitution
de l'État par la société).
-
L'instituteur du social. L'État
devient une force d'édification du social, et produit la nation en agissant
sur tout ce qui gouverne le lien social, l’organisation de l’espace, la
langue, la mesure des choses, la mémoire , l’éducation pour tous, la
culture, l’hygiène publique et la lutte contre les fléaux, autant de
moyens de produire de la cohésion sociale. Cet édificateur du social qu’est l'État
produit du lien social et de l'unité, met en forme la société et constitue
la nation (rapport d'institution).
- L’
État – providence : L'État se
définit comme un « réducteur d'incertitudes » (Hobbes). L'État traditionnel
protecteur, s'élargit progressivement en État providence, fondé sur
l'extension des droits de l'homme à la sphère de l'économique et du social ,
qui se prolongent ainsi dans des droits sociaux.
- L’
État régulateur de l'économie :
C'est avec J M Keynes qu'est née la prise de conscience que
l’équilibre économique (entre Offre globale et Demande globale)
n’est pas en général un équilibre de
plein emploi (contrairement à la doctrine classique), mais qu’il est
possible de le déplacer vers des situations plus favorables à l’emploi en
agissant sur la Demande globale
par l’investissement, sur le pouvoir d’achat, sur le taux de l’intérêt ou
sur les anticipations des entrepreneurs. Est ainsi apparu un nouveau credo
dont on a usé et abusé qui a incité les hommes politiques à faire de l’État
l’agent principal de régulation au sein de la sphère économique nationale
d’autant plus qu’à l'époque ou cette idée s'est vulgarisée en France
(1945-1965) aucune autre alternative n’existait puisqu’à l’époque l’État
était l’acteur principal et le chef d’orchestre de la reconstruction du pays
mis à mal par la guerre; dés lors au fur et mesure de la remise sur
les rails de l’économie, et puisque la majorité de nos compatriotes ne
voulait pas du collectivisme, la nécessité de faire de l’État le régulateur
des mécanismes économiques apparaissait comme forme nouvelle d'intervention
économique distincte des formes antérieures.
Ces
fonctions sont en fait des extensions successives du champ d’intervention de
l’État et non de phases exclusives l’une de l’autre. De plus il est fréquent
que les interventions étatiques appartiennent simultanément à plusieurs
sinon à toutes ces catégories….
Rosanvallon ajoute d’ailleurs :
« Faire l'histoire de
l'État consiste à étudier les conditions d'émergence et de développement des
différentes figures qui seront énumérées ci après. Chaque forme étatique
particulière pouvant être analysée comme une modalité propre de
superposition et d'articulation de celles-ci. Cette approche de l'État
conduit à dépasser les discours simplistes sur le « plus » ou le « moins »
d'État.
Elle permet de comprendre pourquoi le poids de l'État est
susceptible de s'accroître alors même que des politiques « libérales » sont
mises en oeuvre (cf. la montée du taux des prélèvements obligatoires à 44,7
% en 1988) : le déclin de l'État régulateur peut en effet voisiner avec le
maintien, voire le renforcement, de l'État providence et de l'État
instituteur du social.
Elle invite aussi à saisir dans des termes neufs ce
qu'on peut appeler le paradoxe de l'État démocratique-libéral : alors que la
société civile souhaite faire de l'État un pur instrument, aux prérogatives
limitées, ce dernier tend à devenir de plus en plus actif pour répondre aux
attentes de cette même société civile. Penser historiquement l'État est dans
cette mesure un préalable à toute réflexion solide sur son avenir. Le
volontarisme politique et les bonnes intentions resteront perpétuellement
condamnés à l'échec tant qu'ils continueront à méconnaître l'État réel. »
L’État
est donc désormais et depuis pas mal de décennies un acteur majeur de l’Économie, et c’est un acteur dont le poids
n'a cessé de croître.
Avant
1990 une partie importante des hommes de cette planète a vécu pendant plusieurs décennies en régime collectiviste
lequel a eu la prétention pendant la plus grande partie du 20eme siècle de
séduire ( pour ne pas dire conquérir) l’humanité toute entière et une étude comme celle
que nous faisons aurait il y a 20 ans nécessité de faire la distinction entre régime à économie
centralisée (en fait en régime dictatorial ) -même si ces dictatures étaient affublées du
vocable euphémique de « dictature du prolétariat » - et les régimes à économie de
marché dirigés par des gouvernements issus d’élection libres.
Cette
distinction ne semble plus réellement de mise aujourd’hui même si une partie
importante de l’humanité vit encore sous des régimes pas vraiment
démocratiques (comme en Chine par exemple mais pas seulement).
Dans une démocratie comme la France, en
2009, le PIB atteint 1907
milliards d’euros ( en baisse sur 2008). Les administrations publiques (centrales,
locales,européennes et administration de sécurité sociale) ont prélevé pour
les redistribuer d'une manière ou d'une autre 42,8% de cette
somme, soit un total de 834 milliards d’euros (source l’INSEE comptes
nationaux) dont 394
milliards au titre des impôts et 441 milliards au titre des cotisations
sociales effectives et impôts perçus par les administrations de sécurité
sociale..
La dette
publique qui était en 2004 de 1065.7 milliards d'euros soit 65.6% du PIB
est en 2009 de 1490 milliards soit 77,6% du PIB ( multipliée par 25
depuis 1970) et aurait donné lieu à une
charge budgétaire de 130 milliards d'euros ( intérêts prévus pour 2010 42 milliards et remboursement
d'emprunts 90 milliards)
si les remboursements d'emprunts venus à échéance ne se faisaient pas selon un mécanisme du
type "cavalerie" en faisant d'autres emprunts ( à la manière de Madoff); or
130 milliards , en poussant le raisonnement à l'extrême c'est quand même 50% des recettes du budget de
la nation (260 milliards loi de finances 2010)...mais ne soyons pas
extrémistes et n'anticipons
pas sur la suite du raisonnement...
Malgré,
une très légère baisse des prélèvements obligatoires depuis 2000, ( baisse
très temporaire car la crise de 2008 a changé la donne), on doit
constater sur le long terme, en France l’augmentation
quasi-ininterrompue de la part du PIB qui échoit à la puissance
publique. Vers 1880 elle avoisinait 12% , en 1900, elle ne dépassait
pas 15%, elle était de 35% en 1960 et plus de 45% en 1990 pour rebaisser un
peu ensuite avant de ré- augmenter avec la grande crise actuelle.
Comment
expliquer cette augmentation ?
La
loi de Wagner ( énoncée voici
plus d’un siècle, c’est dire si le phénomène n’est pas nouveau) affirme que
plus un pays est développé, plus l’État est sollicité. On peut l’expliquer
en montrant que le développement induit des économies d’échelle, conduisant
à la formation de monopoles qui doivent être contrôlés par l’État. De plus,
l’urbanisation ( tendance de toute société) requiert la mise en place de services publics aussi divers et
variés que le
tout-à-l’égout, le traitement des ordures, l’éclairage public, les transports ou la sécurité des personnes et
des biens, mais plus généralement les demandes des citoyens à l'État
concernent de plus en plus des services diversifiés en nombre infinis parmi
lesquels on trouve l’entretien des paysages, la protection de l’environnement , la
santé publique devenu un impératif catégorique de même que les retraites
par répartition sans oublier l'éducation nationale, la défense nationale,
la promotion du sport, celles des arts et lettres et même...la sécurité
sanitaire des aliments…et le bien être animal.. En bref plus un pays est développé, plus la
consommation de biens et services publics est importante et fait l’objet de
mécanismes complexes qui imposent l’intervention publique.
En fait
il n’est pas exagéré de dire que les citoyens de plus en plus attendent
« tout » de l’État y compris la sécurité des revenus, l’indemnisation des
catastrophes naturelles ( ou non naturelles) ou autres préjudices divers.
La loi
d’Engel appuie ce diagnostic en
remarquant que la demande de services publics croît plus vite que le revenu
(on dit de manière pédante que l’élasticité de la demande de services publics par rapport au revenu
est supérieure à 1). En effet, selon le statisticien allemand, la part
consacrée aux dépenses d’épanouissement, composées de services, notamment
publics, comme l’éducation ou la santé, augmente avec le revenu des
individus.
Enfin,
W. Baumol souligne que les
faibles gains de productivité des activités de service public conduit
mécaniquement ceux-ci à occuper une place plus grande dans le PIB : si le
progrès technique fait baisser le prix des marchandises mais non celui des
services publics, la part allouée à ces derniers augmente.
J'aurai
tendance à penser que Baumol ne dirait pas tout à fait la même chose s'il
vivait actuellement car le progrès technique avec l'informatique et Internet
par exemple est de nature à faire baisser significativement le coût de ceux
des services publiques qui étaient alors considérés comme
incompressibles.
Cette
tendance à l'augmentation des prélèvements obligatoire peut être généralisée, avec des nuances, toutefois, selon les
pays :
-
- Les pays anglo-saxons
consacrent traditionnellement une part moins importante de leur richesse aux
dépenses publiques. Le taux de prélèvement est en 2002 de 25.4% aux
États-unis, de 37.7% au Royaume-Uni, de 30% en Irlande. Le Japon affecte
également une part relativement faible de sa richesse aux administrations
publiques (25.8%).
-
- Les pays d’Europe continentale
occupent une position intermédiaire : en Allemagne la proportion de
prélèvements obligatoires est de 41,6%, en Italie de 42.1%, en Belgique de
48.7% en 2002 (source INSEE)
-
-Les pays scandinaves
atteignent des taux de prélèvements obligatoires particulièrement élevés. Le
Danemark a un taux de 49.7%, la Suède de 51.5% pour l’année 2002(
source INSEE) .
Ce poids
de l’État suscite de nombreuses récriminations contre la gabegie ou des
inquiétudes quant à la pression fiscale qui s’exerce sur l’activité
économique, d’autant que l’État est régulièrement en déficit. Le recul de
l’État est devenu tout à la fois un poncif de la théorie économique et un
slogan politique (porté notamment par la Révolution libérale de R. Reagan
aux États-unis et de M. Thatcher en Grande-Bretagne).
Contestant l’opportunité des
politiques économiques traditionnelles,
d’aucuns annoncent un renouveau du rôle économique de l’État. Ils
préconisent des politiques
structurelles, qui
encourageraient, dans le cadre des théories de la croissance endogène
notamment, l’accumulation de capital humain ou la recherche. Les
actions conjoncturelles
fondées sur des préceptes keynésiens sont, au contraire, souvent considérées
comme périmées.
Par
ailleurs, s’il renonce à un engagement direct, comme en témoignent les
privatisations, l’État doit encore organiser l’activité économique
nationale, réguler le marché, et mener pour cela des actions plus
spécifiques (politiques de la concurrence ou de l’emploi) et plus ciblées
dans leur champ d’application (politique industrielle, soutien à certains
secteurs).
L’économie publique :
Avant de
définir plus précisément la politique économique il nous faut partir de la
notion plus générale d’économie publique ; en effet
la politique économique ne doit surtout
pas être
confondue avec l'économie publique.
L’économie publique vise à décrire l'action économique de l'État dans
ses domaines d’action classiques,
et à théoriser les choix budgétaires et fiscaux (Cf. par exemple, de Richard
E. Wagner, The Public Economy, Markham
Publishing, 1974).
Tout
part de la notion de biens publics.
Qu’est-ce qu’un bien public ? La meilleure réponse se trouve dans la
définition de son opposé, le bien privé. En règle générale, celui-ci est
objet d’échanges, durant lesquels sa propriété (ou son usage) change de
mains. Les biens privés possèdent donc, le plus souvent,
les propriétés d’exclusivité et de
rivalité (tout le monde ne peut
pas en profiter en même temps).
Pour les biens publics, c’est tout le
contraire: ils sont caractérisés par la non-exclusivité et la non-rivalité.
La plaque du nom d’une rue qui rend bien service quand on débarque dans une
ville, ne s’use pas - et prend même toute sa valeur -
lorsqu’un nombre important de gens la consulte ; et il serait difficile,
coûteux et inefficace de chercher à en restreindre l’usage à un groupe
particulier, il en est de même des boites à lettre de la poste et des passages cloutés.
L’air pur a les mêmes propriétés, ainsi que l'éclairage public ou le fait de
pouvoir se promener sans être détroussé à tous les coins de rue.
retour
Mais qui
fournit les biens publics ? avant de répondre constatons un point important
à savoir qu'une fois ceux-ci créés, tout le monde peut librement en
profiter. La stratégie « rationnelle » pour les acteurs privés est de
laisser à d’autres l’initiative de les produire, puis d’en profiter sans
y avoir contribué. Sans quelque mécanisme d’action collective, voire
coercitive la production des biens publics risque d’être insuffisante ou même interrompue, à
cause du phénomène dit « du passager clandestin » (free rider), qui profite
du bien sans contribuer à son élaboration ou à son maintien, S'il n'y a plus
que des passagers clandestins, il est bien improbable que la situation
puisse perdurer .
L’État a
souvent un rôle important à jouer, mais d’autres acteurs sont également
essentiels. Reprenons l’exemple de « l’air pur ». L’État peut établir une
réglementation et des contrôles de la pollution. Mais ce sont des acteurs
privés, ménages et entreprises, qui doivent « fournir l’air pur » en
limitant leur production de polluants. Les fabricants d’automobiles ont
ainsi dû ajuster leurs mécanismes productifs, modifier leurs modèles et
installer de nouveaux pots d’échappement pour se conformer à des normes
environnementales plus strictes, plus récemment diminuer les émissions de
CO2 de leur gamme de véhicules.
Autrement dit, le caractère « public » d’un
bien tient à la nature des bénéfices qu’il induit - à leur caractère de non-rivalité et de non-exclusivité. Leur production, dans bien des cas,
engage l’Etat aussi bien que des acteurs privés.
L’économie
publique prend une place grandissante , notamment dans les pays développés
parce que les citoyens le veulent fortement ( même s'ils disent le contraire) et l’imposent (en dépit des critiques sur
l’inefficacité de l’Etat) pour deux sortes de raisons, celles qui sont liées
à la recherche de protection et de sécurité ( ce ne sont pas les plus importantes) et
celles qui sont liées à l’impossibilité de s’en remettre au marché pour
gérer les ressources et biens publics qui prennent une place de plus en plus
importante dans la vie moderne et le fonctionnement des sociétés évoluées.
Les questions de protection de la nature et de l'environnement et l'impact
possible sinon probable des activités humaines sur les grands équilibres de
la nature, l'effet de serre et le réchauffement climatique portent les
questions d'économie publique au frontispice de grandes
préoccupations politiques nouvelles. De plus un nombre croissant de biens publics sont
dit "excludables" ( c'est à dire qu'ils font l'objet de rivalité), c'est le
cas de l'eau dans une bonne partie de la planète. Remarquons que la science économique, science de la rareté des biens et de la
façon d’y faire face « est une ». Les théoriciens de l’école
des choix publics le savent bien.
retour
La
théorie des choix publics, sous l'impulsion de James Buchanan (Prix Nobel
d'Économie) et Gordon Tullock, a provoqué un bouleversement dans l'analyse
des décisions publiques ( déjà une vieille histoire car datant du début des
années 60 , mais débarqué en France seulement 15 ans plus tard). Les deux ouvrages, "The Calculus of Consent" et "The
Limits of Liberty", ont entraîné des recherches "en aval" (analyse
économique du marché politique, de la bureaucratie, théorie du cycle
politico-économique) et des recherches "en amont" (analyse économique de la
démocratie, théorie du contrat constitutionnel). Les anciennes contributions
des auteurs français, de Montesquieu à Tocqueville, en passant par Turgot et
Benjamin Constant retrouvent une nouvelle jeunesse et un droit de cité dans l'analyse
de la démocratie: ces précurseurs du
"Public Choice"
et de l'analyse des
Institutions ont pu revenir à la mode.... mais surtout dans les universités
américaines du midlle west. Pour ces auteurs, le cadre institutionnel
ne peut pas être considéré simplement comme une sorte de variable exogène.
Les "règles du jeu" doivent elles-mêmes être appréhendées à l'instar des
variables endogènes. The Calculus of Consent, "L'analyse du consentement"
repose sur un postulat simple :
les individus, faisant preuve d’égoïsme sur
les marchés, ne peuvent guère se comporter différemment dans la vie
politique. On peut donc transposer, sur le plan politico-administratif,
l’explication du comportement économique des individus sur les marchés.
Les
hommes politiques, comme les partis ou les administrations, loin d’être les
défenseurs de l’intérêt public, n’agissent qu’en fonction de leur propre
intérêt. Ils « travaillent » essentiellement à leur propre réélection pour
parvenir à des positions de force ou pour bénéficier de la plus grande part
possible du budget. L’État ne serait alors qu’une coalition d’intérêts
privés, corporatifs, voire un moyen de promotion pour les hommes politiques.
( cela ne vous rappelle rien?).
Le
mobile électoral devient au monde politique ce que le profit est à
l’entrepreneur traditionnel. En conséquence, il ne faudra choisir l’État que
lorsque la solution du marché sera réellement plus onéreuse que celle de
l’intervention publique. Buchanan renoue ainsi avec la tradition des « économistes-philosophes »
qui, depuis Hume, Adam Smith et surtout Bastiat, veulent éliminer toutes les
entraves qui empêchent l’individu d’agir librement. Nos difficultés
économiques aujourd’hui ne seraient pas, selon cette école, le résultat d’une faillite de
l’économie de marché, mais seulement le résultat de la carence de nos mécanismes politiques.
Il
analyse également la façon dont les gens, électeurs, groupes de pression,
administrations se comportent face aux phénomènes politiques,
Dix
concepts-clés sont à retenir :
-
On n'a que trop tendance à considérer
l'État comme une entité abstraite, au service de laquelle des hommes au
dessus du commun peuvent faire des choses interdites aux autres au nom de
"la raison d'État". Eh bien non !
Derrière le paravent des institutions,
il y a des hommes comme les autres qui se comportent en fonction de leurs
intérêts personnels (il ne
s'agit pas seulement de leurs intérêts économiques, mais de l'ensemble des
choses qui les motivent). Ce qui les intéresse n'est pas "la grandeur de
la nation", ou la "solidarité nationale", ou "l'intérêt général", mots
grandiloquents, vides de sens concret dont leurs discours sont remplis. Cela, c'est la
façade. Comme les autres hommes, qu'ils soient chefs de famille,
chefs d'entreprises, ou salariés, ils cherchent essentiellement à
améliorer leur propre sort. Quant à l'électeur, il n'entre pas au bureau
de vote miraculeusement investi d'une mission altruiste et transcendante,
il vote pour quelqu'un, qui, pense-t-il, défendra ses intérêts, ou plus
simplement pour quelqu'un qui lui plaît. Il ne fait jamais qu'exprimer des
préférences personnelles. (Pourrez vous désormais écouter un discours
politique sans vous souvenir de ce qui précède?).
retour
-
Aujourd'hui, dans la
plupart des pays démocratiques, la politique s'organise autour des
élections, ce qui donne lieu à la "démocratie représentative". Ce ne sont
plus les citoyens qui votent leurs impôts, mais leurs représentants. Nous
avons abdiqué notre pouvoir démocratique en faveur de nos élus. En échange
de nos voix, ceux-ci nous proposent des "services publics" , des
législations, des interventions publiques, des subventions, un patchwork
de mesures plus mirobolantes les unes que les autres : un petit morceau
pour celui-ci, un petit chouïa pour celui-là, un petit morceau pour les
retraités, pour les paysans, les viticulteurs, les handicapés, les
malades, sans oublier les gens du bâtiment, les provinciaux, les
chauffeurs routiers, les fonctionnaires, le petit commerce, le personnel
hospitalier, les enseignants, les intermittents du spectacle et ainsi de
suite.... Il s'agit d'une espèce de marché, le "marché politique", où les
candidats sont l'analogue des entrepreneurs, et les électeurs sont
l'analogue des consommateurs.
Sur ce marché, on échange des promesses
électorales contre des voix. Le
problème n'est plus la recherche de la meilleure forme de société, le
problème est d'aller à la rencontre de ce qu'attendent les gens. Les
programmes électoraux se préparent au moyen d'une "check-list" qui s'efforce de
n'oublier aucune catégorie. D’aucuns diront que La
démocratie devient de la démagogie. François de Closets a écrit sur le
sujet des pages inoubliables que personne ne met en cause (quand elles
ciblent les autres). Lisez ses livres, ils valent le détour!
retour
-
Les
intérêts individuels des électeurs sont mieux exprimés par des coalitions
d'individus que par les individus eux-mêmes. Si vous êtes tout seul à
vouloir discuter avec votre candidat, vous aurez peu de chance de faire
prévaloir votre point de vue. Si vous êtes plusieurs, si vous vous
coalisez, vous serez beaucoup plus efficaces. Si en plus vous vous livrez
à des démonstrations de rue relayées par les medias, alors là vous êtes
écoutés. Il y a une bonne raison à cela : les candidats n'ont (au
mieux) pas assez de
temps pour écouter toutes les doléances de M. X ou de Mme Y, au pire ils
n'en ont rien à cirer. Il est
beaucoup plus efficace pour eux d'écouter quelqu'un qui va parler au nom
d'un groupe. D'où l'efficacité présupposée des syndicats. Dans le monde entier, les
syndicats ont perdu beaucoup de leur influence sur les travailleurs, qui
se sont aperçus que les syndicats étaient conservateurs et malthusiens,
dépourvus d'idées nouvelles, bloqués sur des lignes maginot en lesquelles
personnes ne croient plus. En
France, la proportion de travailleurs syndiqués ne dépasse pas 10% en
moyenne. Elle est supérieure dans la fonction publique, inférieure dans le
privé, Dans l'éducation nationale si vous êtes professeur, votre
avancement dépend du syndicat pour l'essentiel, plus que de votre mérite.
Bref, les syndicats ont donc perdu une grande partie de leur légitimité démocratique, et
leurs appareils ne vivent plus guère que grâce aux largesses ( et à la
complicité) de l'État.
S'ils gardent une telle importance politique, c'est parce qu'ils ont un
statut privilégié qui leur permet de laisser croire qu'ils parlent au nom
des autres, l'essentiel pour eux est de convaincre les medias par une
bonne "com" . Pour les hommes politiques, de droite comme de gauche ce sont donc des interlocuteurs
normaux.
En résumé, l'individu
isolé n'a pas sa place sur le marché politique. Seul trouve sa place
l'individu agrégé à un groupe, l'individu encadré.
retour
-
Parmi les groupes que nous venons d'évoquer, les coalitions "dépensières"
sont plus efficaces que les coalitions "économes".
Les groupes qui voudraient augmenter le
volume des dépenses publiques sont mieux organisés que ceux qui voudraient
les diminuer. La raison est simple : ceux qui ont intérêt à ce qu'une
dépense nouvelle soit faite, vont profiter de cette dépense de manière
tangible : l'avenir de leur situation personnelle, de leur entreprise, ou de
leur métier peut en dépendre. Pour chacun d'eux, l'enjeu peut facilement
atteindre plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros. Pour le
contribuable qui aura à la financer, cette dépense nouvelle, divisée par un
très grand nombre de contribuables, ne représentera jamais pour chacun d'eux
que quelques euros supplémentaires. On descendra dans la rue pour quelques
dizaines de milliers d’euros. On ne descendra pas dans la rue pour quelques
euros. Sans compter que ceux qui revendiquent la dépense nouvelle se
connaissent. Ils peuvent plus facilement se coordonner que les malheureux
contribuables anonymes et isolés. Enfin, on sait comment se répartissent
géographiquement ceux qui revendiquent, et on sait comment ils votent. Ils
sont donc toujours plus intéressants électoralement que la masse amorphe des
contribuables, qui, de toutes façons ne verront leurs impôts augmenter
qu'après les élections. Notons qu'il ne s'agit pas là d'un phénomène de
lutte de classes. Nous sommes tous à la fois revendicatifs et contribuables,
et ceux dont l'éthique les retient dans un premier temps de manger au
râtelier, finissent par le faire à leur tour. "Après tout je paie des
impôts, pourquoi n'en aurais-je pas moi aussi quelque retour ?". Et l'homme
politique ne manque pas de tirer gloire de ses "efforts", alors qu'il ne
fait que redistribuer l'argent pris aux autres.
Avec cette analyse, les
économistes de l'école du "Public choice" ont mis le doigt sur la seule
véritable explication de l'accroissement indéfini des dépenses de l'État et
de la redistribution.
Cette explication est beaucoup plus originale qu'on ne
le croit, car si le phénomène était connu, bien d'autres explications,
contredites tôt ou tard par de nouveaux faits, avaient été avancées jusque là.
Tout ça n'est pas très optimiste, mais c'est comme ça!
retour
-
Les élus se livrent à un jeu de négociations qui leur permet de faire
avancer leurs propositions de dépenses même s'ils sont minoritaires. Si un
élu n'approuve pas un projet de loi qui ne lèse pas son électorat, il le
votera quand même, de façon qu'on lui rende la pareille pour un projet qu'il
poussera. Les américains appellent cela le "logrolling",
par analogie avec les billots de bois que l'on fait rouler les uns sur les
autres. "Si tu votes pour mes paysans, je voterai pour tes industriels". Ce
phénomène est encore plus répandu aux États-Unis, où il n'est pas rare de
voir des représentants démocrates voter avec les républicains pour un sujet
donné, regardez! ça se produit actuellement.
Lorsqu'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les
uns et les autres veulent satisfaire un groupe de pression bien implanté
dans leur État respectif . On est loin de l'efficacité économique absolue!
retour
-
Le comportement des hommes politiques est
amplifié par la bureaucratie.
Le bureaucrate est avant tout motivé par son importance, son pouvoir, son
budget, le nombre de ses subordonnés, la dimension de son bureau. Il est
souvent protégé par son statut qui le rend inamovible ; Il a
intérêt à ce que l'homme politique en fasse de plus en plus.
Chaque nouvelle loi va entraîner des décrets d'application, donc plus de
travail pour ses services, mais aussi plus d'importance et plus de moyens.
retour
-
Les chances d'inverser le sens du marché politique sont minces, à cause du
désintérêt des électeurs pour le système politique, phénomène décrit par les
économistes du "public choice" sous le nom
"d'ignorance rationnelle".
L'ignorance tient au fait qu'il est extrêmement difficile de se faire une
opinion sur un sujet de société. Les media de grande diffusion véhiculent
des événements, ou des opinions superficielles de gens connus. Ils ne
véhiculent pas des données, des analyses, des explications. Il faudrait donc
consacrer beaucoup de son temps, beaucoup d'imagination et d'énergie, pour
arriver à se faire une opinion claire sur un sujet donné, ou sur les
capacités, voire la sincérité de tel ou tel. Le commun des mortels y
renonce par commodité ( pour ne pas dire par paresse intellectuelle). On ferait à la rigueur cet
effort si l'on pensait que son vote pouvait avoir quelque influence. Mais ce
n'est pas le cas. Pas seulement parce que le vote isolé n'est pas efficace,
on l'a vu, en l'absence d'une coalition. Mais à quoi bon se donner le mal de
convaincre les autres, lorsqu'on sait que de toutes façons, qu'on élise un
homme de gauche ou un homme de droite, cela ne changera rien.
À la limite, ne vont voter que les gens
qui pensent que c'est un devoir, ou ceux qui ont un avantage spécifique à le
faire. Ceux qui ont déjà leur biscuit assuré, ceux qui pensent que leur vote ne
servira à rien pour eux, préfèrent souvent "aller à la pêche".
Ce faisant, ils n'exercent pas le droit de regard qu'ils ont sur le
comportement des hommes politiques, et leur attitude fait le jeu de ces
derniers.
retour
-
rLe
résultat de l'élection dépend de
" l'électeur médian" :
si l'on classe les électeurs par la pensée sur une colonne, en mettant en
haut les plus à gauche, et en bas les plus à droite (ou l'inverse pour ne
choquer personne), l'électeur médian est celui qui se trouve au milieu.
Autour de lui, dans un système bipartite, il y a une frange de gens dont
on ne sait pas de quel côté ils vont voter. Pour gagner, un candidat doit
faire un effort particulier vis à vis de ce type d'électeur. Un candidat
qui affirmerait sèchement une doctrine, qui afficherait un discours radical n'aurait aucune
chance d'être élu. Pour être élu, il faut un discours qui plaise sans rien
affirmer. Un discours acceptable par les gens d'en face sans déplaire à
ceux de son bord.
Giscard a déclaré " La France aspire à
être gouvernée au centre".
Il serait plus exact de dire "la France est
condamnée à être gouvernée au centre", car c'est toujours en face que l'on
va chercher les électeurs qui manquent.
retour
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Le Jeu
de la démocratie représentative
conduit à favoriser les profiteurs au
détriment de ceux qui produisent les richesses. En effet il favorise
ceux qui cherchent à améliorer leur sort par prélèvement sur les revenus
ou l'épargne des autres. Lorsqu'un groupe de pression cherche un
avantage qui va avoir pour effet de spolier d'autres personnes, il n'est pas obligé d'aller
prélever lui-même l'argent dans la poche de ces personnes.
Il lui suffit
de s'adresser à l'État. Les
spoliés ont d'ailleurs souvent la naïveté d'excuser et de comprendre leur
spoliateur. L'État moderne est ainsi devenu une immense
machine à transfuser de l'argent de l'un à l'autre, et bien entendu il
vaut toujours mieux être du côté du transfusé que du transfuseur. Ce qui
fait le jeu des politiciens.
retour
-
Je
rajouterai néanmoins ( au risque de trahir la pensée de James Buchanan)
que de
même que l'église a ses saints, la politique même en démocratie a ses
héros qui ont incarné des intérêts supérieurs avec lesquels ils se sont
identifiés; ceux la ont marqué l'histoire, recueillant momentanément
l'adhésion du plus grand nombre ils sont en général le produit d'une
circonstance exceptionnelle et d'une personnalité exceptionnelle, la
mauvaise nouvelle est qu'en
général ils disparaissent assez rapidement après avoir rempli une mission particulière dés
lors que l'offre politique qu'ils incarnent cesse d'être conforme à la
demande politique qui a évolué, Clemenceau n'a pas survécu politiquement à
la fin de la guerre. La bonne nouvelle est qu'ils restent dans
l'histoire comme des exemples servant à l'édification des générations
futures et à la marche dans le bon sens de la société. Eux seuls méritent
le nom d'hommes d'État.
retour
Cette
théorie n'est pas entièrement originale. On retrouve chacun des dix
points ( tout au moins les neuf premiers d'entre eux) cités plus haut à un endroit ou à un autre de l'œuvre d'Auguste Bastiat qui
est d'ailleurs reconnue comme un précurseur de la théorie par les auteurs
américains. Si la paternité des idées ne lui en est pas attribuée, c'est qu'il n'a pas
rassemblé en un exposé unique l'ensemble de ses trouvailles sur le sujet,
qui sont dispersées dans son œuvre.
Qu’est
ce que la politique économique
La
littérature sur le sujet est bien entendu abondante et tout un pan des
études universitaires lui est adressée.
Jan
Tinbergen, le premier théoricien de la politique économique en donne une
définition très générale peu éclairante mais qui a l’avantage de remettre
les pendules à l’heure à une époque où nous sommes noyés par une rhétorique
invasive sur le sujet et où pour se faire remarquer les auteurs se
fourvoient dans un langage et des élucubrations incompréhensibles pour le
commun des mortels : "la réunion d'un certain nombre de moyens pour
atteindre certaines fins" ce qui
transparaît
avant tout est que la politique
économique
est une pratique qu’il
faut bien différencier des variables économiques ( par exemple le taux
d’intérêt) ou des comportements économiques ( la consommation ou la
thésaurisation des ménages…).
Les
spécialistes modernes comme Xavier
Greffe (auteur de Économie des
politiques publiques Dalloz 1997) et Jacques
Généreux ( introduction à la
politique économique (Seuil 1993) exposent que la politique économique
serait "un choix du gouvernement qui vise à conduire l'activité économique
pour satisfaire certains objectifs en gérant un certain nombre de
contraintes et en utilisant de la façon la plus efficace possible un certain
nombre d’instruments ( monnaie, taux d’intérêt, taux de change, budget de
l’État)"….ou encore que .les politiques macro-économiques, « ce sont les
interventions de l’État pour corriger les déséquilibres susceptibles
d’affecter l’économie nationale : récession, chômage, inflation et
déséquilibres de la balance des paiements ". c'est-à-dire des pratiques
correctrice de déséquilibres ».
retour
De
telles définitions si elles correspondent bien aux situations actuelles me
paraissent bien peu appropriées à la période balbutiante de l’entre deux
guerres ou alors il faudrait dire que pas plus qu’avant 1914 il n’y eu en
ces temps là de politique économique, ce qui est parfaitement contestable.
Généralement, quand on évoque le principe de la politique économique, on
sous entend que Keynes fut son initiateur théorique. Or avant la publication
de la théorie générale,
les politiciens que J M Keynes a critiqué ou combattu
par exemple le Chancelier de l’échiquier Winston Churchill qui restaura la convertibilté-or de la livre
sterling en 1925 ou les gouvernements français des
années 1920 donc en quelque sorte les "anti-Keynes",
ont bien cherché à mettre
en œuvre une politique globale, cohérente, systématique, de contrôle des
"grands équilibres", tant au plan des prix, des salaires que du budget de
l'État, pour tenter de rapprocher la parité courante des monnaies avec l'or
(après 1920), de celle qui existait avant la guerre (1914). Que leurs
objectifs aient été contestables est une autre paire de manches…D’aucuns
n’hésitent pas à en faire « les inventeurs » de la politique économique
contemporaine (Cf. Burda et Wyplocz) même si la politique de Churchill
en 1925 a été nuisible
à la bonne marche de l’économie britannique et si la politique menée en France
( à la m^me époque - cartel des gauches) à été pour le
moins génératrice d’inflation. Ajoutons que Keynes s'était distingué en 1919
par son attitude à Versailles et sa publication ( conséquences économiques
de la paix) choquantes pour l'opinion publique française.
retour
On donnera alors une définition assez large au risque de
choquer les spécialistes et de se faire traiter de ringard, en disant que
la politique économique est l’ensemble
des actes d’intervention d’un État ou des institutions sous son contrôle
qui encadrent, contrôlent, influencent le fonctionnement des marchés au sein
du territoire sous sa souveraineté. on peut distinguer : la politique
monétaire, la politique de réglementation du marché du travail, celle
des marchés des biens (réglementation de la concurrence, normes de qualité,
etc.), a quoi il faut ajouter la politique fiscale et budgétaire, qui
s’analyse bien comme une intervention sur le fonctionnement des marchés
puisque, par la fiscalité et la dépense publique (au sens large, systèmes de
sécurité sociale inclus), l’État fournit des biens publics que les marchés
privés ne fournissent pas, ou il opère des transferts sociaux, modifiant
ainsi la répartition des revenus qui résulterait du simple fonctionnement
des marchés. Enfin, dernier volet, nous y ajoutons le contrôle aux
frontières des circulations de marchandises, des capitaux et des hommes, qui
isole partiellement les marchés nationaux de l’extérieur.
Enfin
comment ignorer dans une revue historiographique des événements l’impact sur
la politique économique des politiques étrangères, de la défense
nationale, et de la conduite des guerres ?
Le
véritable acteur de la politique économique est bien sûr le gouvernement, le cabinet,
l’équipe ministérielle, s’appuyant sur des équipes, soutenu par des partis
politiques par des coalitions, dans le cadre d’un programme politique. On
parle, par exemple, de la "politique économique des gouvernements
Herriot, Blum, Mendès
France, Edgar Faure, Debré ou Jospin" ou de celle de l’Administration
de Georges W Bush et aujourd'hui Obama. . Certains feront
remarquer que l’Administration protégée par le statut de la fonction
publique, est la véritable maîtresse de la politique économique, cela a été
vrai en partie sous la quatrième république époque ou les gouvernements ne
duraient que quelques mois nous aurons l'occasion d'en débattre. Si trop
souvent des gouvernements faibles ont pu être à la remorque de
l’administration (c'est-à-dire le personnel des ministères ) ,
il n’en demeure pas moins que dans nos démocraties le
gouvernement ( d'abord le président en cinquieme république) sous le contrôle
du parlement ( pour le gouvernement lui même) est investi du pouvoir de
mener la politique économique de la nation en tant que représentant de
l’État. Le gouvernement d’un État, n’est cependant pas le seul acteur de la
politique économique..
retour
La politique économique, tout en étant mise en œuvre par les États
peut être fortement influencée par une organisation internationale
(Fonds monétaire international, Banque Mondiale) en particulier dans
certains pays en voie de développement ou en transition. Il en est de
même, toute proportion gardée, dans les pays industriellement et
financièrement développés. Lorsque la Banque Fédérale de Réserve des
États-unis prend une décision sur les taux d’intérêt américains, cette
décision exerce une influence, parfois très forte, sur un grand nombre
d’autres pays y compris sur ceux de l’Union européenne.
Enfin, aux
côtés des acteurs dominants de la politique économique (les gouvernements,
les banques centrales), une très grande partie des instances représentatives
des groupes d’agents économiques et de leurs représentants politiques,
syndicaux, lobbyistes interfèrent dans la prise de
décisions et l’on en revient aux interactions
permanentes avec les enseignements de la théorie du « public choice ».
Sous le
vocable institutions nous distinguons ( de manière non exhaustive) les ministères, la banque centrale,
les niveaux décentralisés de l’appareil de l’État, les caisses de sécurité
sociale, de retraite et, bien sûr, les tribunaux.
Elles régulent en permanence le fonctionnement des
différents marchés selon des règles et avec des objectifs qui ont été fixés
par les gouvernements, la liste ci-dessus n’étant pas limitative.
retour
Aujourd’hui, on observe que
les Banques centrales des pays industriellement
développés
mènent des politiques le plus souvent indépendantes du
gouvernement. Le débat est d’ailleurs ancien et représente l’un des grands
thèmes de l’histoire monétaire et de son icône le plus célèbre, la Banque
d’Angleterre. Or les banques centrales interviennent activement dans le
fonctionnement macro-économique courant en fixant les taux d’intérêt de base
ou en pratiquant l’open market, par ces actions elles diffusent leur
interprétation des problèmes du moment. Elles ont une activité de politique
économique.
Alan Greenspan longtemps gouverneur de la la Banque Fédérale de Réserve
Américaine fut indéniablement un acteur essentiel de la politique économique
américaine, agissant éventuellement de manière distincte du gouvernement, on
peut en dire autant de Ben S Bernanke son successeur ou de J C Trichet
président de la Banque centrale européenne. or ces personnes ont un statut
indépendant des gouvernants.
retour
Les réformes institutionnelles à caractère
économique apparaissent comme des morceaux de choix voire même des épisodes
glorieux de la politique économique. Les reconstructions d’après guerre,
l’aménagement du territoire, la croissance, l’emploi, la sécurité sociale,
les régimes de retraites, le logement, la formation professionnelle, sont
autant de composantes de la politique économique au même titre que la
monnaie et le crédit ou la politique fiscale.
L’économiste averti pourra penser qu’ à vouloir trop embrasser, le politique
est condamné à l’inefficacité, en particulier nous pensons que
les politiques dites de l’emploi
sont généralement des amas de poudre aux yeux
ou plutôt des
cautères sur une jambe de bois, les politiciens qui ne sont pas stupides en
sont conscients mais doivent faire face aux impératifs électoraux ou a celui
des sondages et ils ont donc recours à des expédients qui au mieux transforment
le chômage visible en chômage caché, car l’emploi n’est « qu’un sous-
produit » de la croissance…(sans donner au terme sous-produit un sens
péjoratif) et toute tentative de faire de l’emploi un chapitre « à part » de
la politique économique est voué à l’échec économique et donc en fin de
compte politique... car hélas ou tant mieux dans le
monde moderne Il n’est plus guère possible de dissocier le social de
l’économique. La contrainte sociale est la dimension de fond de toute
politique économique , elle est aussi souvent sa roche tarpéienne.
retour
Bien
sûr, la politique économique suppose, en général,
des choix budgétaires et
fiscaux. Il existe donc des liens forts entre politique économique et
Économie Publique théorique, tout comme entre politique économique et
macroéconomie. Les différences, cependant, sont que 1) l'économie publique
théorique suppose nécessairement une théorie de l'État. La validité de la
théorie de l'économie publique dépend de celle de l'État, à laquelle elle
est associée. Alors que la théorie de la politique économique peut
s'accommoder de diverses théories de l'État. 2) La politique économique
concerne tous les agents et pas seulement l'État. La politique économique
n'est pas l'objet direct de cette branche de l'économie qu'est l'économie
publique. On ne la retrouve, indirectement, que par le biais de la théorie
des choix budgétaires et fiscaux. Un enseignement bien connu de politique
économique, mais qu'on se garde de trop vulgariser pour des raisons
évidentes, est, par exemple, que la dépense budgétaire directe est plus
créatrice de revenu et d’emploi que la réduction d’impôts (Haavelmo).
Disserter sur la politique économique suppose normalement de connaître un
minimum
de choses au sujet des agrégats de la macro économie, et de leurs mécanismes
d’équilibre, toutes choses plutôt rébarbatives pour le commun des mortels, et
sur lesquels
je n’ai intentionnellement rien de plus à ajouter à ce que les
nombreux et excellents universitaires ont déjà écrits, aussi est ce au coté
« anecdotique », intervention humaine, vision par le trou de la serrure,
bref événementiel et si possible pittoresque, des décisions de politique économique que je me
consacrerai
.
Mon but est beaucoup simple et ludique : passer en
revue l’histoire ( la grande et la petite) et voir ce qui s’est fait et dit
en matière de politique économique au fil des décennies, en liaison avec la
politique en général qu’elle soit « politicienne » ou celle « des sommets »,
en France certes, mais sans négliger un univers complétement international
ou d’ailleurs la dimension extérieure s’est toujours imposée comme dominante
qu’on l’accepte ou non.
A telle ou telle époque y avait-il d’autres alternatives
"meilleures" ? pourquoi n’ont-elles pas été prises ? les interactions
entre le champ politique et le champ économique sont celles qui
principalement retiendront mon attention et mes recherches. Fondé en 1915,
le "canard enchainé" est une excellente source pour toute la période, encore
qu'il n'est plus ce qu'il fut!
retour
Est il besoin d’ajouter que la politique économique est en
crise et ce n'est pas nouveau,
dans le monde globalisé que nous connaissons elle n’a plus actuellement le
vent en poupe. Si les ouvrages ont été nombreux (dans les pays anglo-saxons et en Europe) entre 1960 et 1998 , la source s’est considérablement
asséchée depuis, c’est peut être que tout ou presque ( ainsi que son
contraire) a été dit sur le sujet , y compris sur le mode alternatif anti
libéral.
Si crise
il y a , elle n’est pas due aux insuffisances de la politique économique
mais au vertige des hommes politiques qui refusent de tirer les conclusions
de la théorie économique tout simplement par peur des réalités. La
persistance depuis 30 ans en France d’un électorat d’extrême droite qui prive la
droite libérale d’une fraction de ses électeurs naturels,
ne permet comme
alternative au socialisme qu’une politique de type "radsoc" -radicale socialiste
- tapant assez
loin au centre gauche, mais au fond y a t'il là quelque chose de nouveau
quand on se place en perspective depuis les débuts de la troisième
république, je ne le pense vraiment pas.
Les
politiques économiques suivies depuis la première guerre ont-elles été
pertinentes et efficaces?
On a perdu
un peu l'habitude de se poser ce genre de questions et
si l'on met de coté les certitudes du café du commerce
les réponses sérieuses ne sont en général pas très assurées. C'est que pour juger de
l’efficacité, il faudrait d’abord être sûr des objectifs de telle ou telle politique
économique et constater si oui ou non ces objectifs ont été atteints.
Au fait,
quand on parle d'efficacité, s'agit il d'efficacité économique ( macro
économique) ou d'efficacité politique, au sens ou telle ou telle politique
sert les intérêts politiques (électoraux) du ou des politiciens en
question?
Poser la
question c'est déjà donner la réponse!
On ne
pourra jamais évacuer la dimension politique des questions économiques.
Comme nous l’indique la théorie du « public choice » déjà mentionné Il ne
faut pas avoir des hommes politiques une vision naïve de personnages guidés
par le souci ( le seul souci) de l’intérêt général ( que personne ne sait définir et
dont Kenneth Arrow à la suite de Condorcet a démontré l’inconsistance), mais
il faut intégrer l’ensemble probable de leurs motivations. Il n'est pas irraisonnable de croire que les
politiciens cherchent en priorité leur
propre succès politique ; si en conséquence leurs objectifs concordent avec
un soi disant « intérêt général », tant mieux, mais il n’y a aucune raison
de penser qu'ils seraient les seuls à chercher l’intérêt
général ou le bonheur de l’humanité, cette motivation existe certainement
chez un certain nombre d’entre eux, mais probablement moins que chez les
individus qui se consacrent en toute discrétion par exemple à l’action l’humanitaire, à l’action
sociale, voire aux artistes aux écrivains et aux poètes, et il
semble raisonnable de penser
que la politique est au contraire une branche de l'activité humaine
qui attire les individus particulièrement
motivés par la lutte pour le pouvoir, l’exercice du pouvoir, la popularité
ou l'ambition de laisser une trace dans l’histoire.
Les
objectifs économiques ne constituent donc que des objectifs intermédiaires
au service des finalités économiques des décideurs : popularité, postérité,
part du marché politique, pouvoir ; certains hommes politiques, comme P
Mendés France ont eu une haute idée, voire une idée hautement prétentieuse de
l’intérêt général, cela a plutôt raccourci leur présence au pouvoir et ils
ont pu y gagner la reconnaissance de leur rôle dans l’histoire ( quoique...).
C'est volontairement que je me prive de citer les grands ancêtres comme
Clemenceau ou de Gaulle! On y reviendra.
Dés lors
la question de l’efficacité se ramène à celle de la satisfaction des
ambitions desdits décideurs. Certes il n’est pas interdit d’avoir une
approche normative et de nous faire les censeurs ou les thuriféraires de
telle ou telle politique économique en fonction de son adéquation avec
l’intérêt général (mais savons nous ce qu’il est ?).
Nous
verrons qu’au cours de la période concernée, la plupart des gouvernements
ont été sous pression pour résoudre dans l'urgence des problèmes complètement à court
terme, mais n’est-ce pas une caractéristique permanente ! . Quand il ne
s’agissait pas de préparer ou de faire la guerre, ou de régler des crises
monétaires, il fallait résoudre ou faire face à des crises sociales ou
encore de préparer des élections, si bien que seuls des gouvernements
forts , menés par des dirigeants d’exception ont pu momentanément repousser
les limites de la tyrannie du court terme pour mener temporairement des politiques économiques visant à favoriser la croissance ou
à
procéder à de véritables changements structurels et ils sont une très petite
minorité . Tous, sans exception, l’ont d'ailleurs payé de leur survie, bel
exemple de l’ingratitude des peuples.
Les
expériences de conduite de politique économique, depuis un demi siècle,
parfois heureuses et souvent maladroites ( la plupart du temps en raison des
effets pervers non prévus) ont certes permis d’enrichir le capital de
connaissances et de Savoir faire et ce faisant la politique économique serait
de plus en plus efficaces (d’aucuns diront de moins en moins inefficace),
on essaiera de le vérifier.
retour
Cela serait d’autant plus vrai que cette pratique
repose sur un appareil d’information très amélioré, sur des instruments et
des méthodes de plus en plus sophistiquées. Jan Tinbergen, et plus
généralement l’économétrie d’origine hollandaise (mais très rapidement
devenue américaine), s’est rattachée à cette conception très ambitieuse de
la politique économique. Il est clair qu’aujourd’hui, les gouvernements sont
entourés de tout un tas de groupes d’études et d’institutions de conseils et
de prévision beaucoup plus habiles à intervenir dans l’économie globale que
ne l’étaient leurs prédécesseurs des années 1920-1950. Des institutions
étatiques (mais aussi privées) particulières (en France, direction du
Trésor, direction de la Prévision, INSEE, commissions parlementaires, autres instituts et observatoires
du type OFCE, conseils d’analyse)
examinent en permanence la politique économique et l’évolution de ses
effets. Les organisations internationales comme l’OCDE , le FMI, la Banque
mondiale, l'UNESCO... se livrent à des
études comparatives entre pays et fournissent des recommandations
que l'on suppose judicieuses, mais qui sont souvent controversées. Enfin la multiplicité des expériences dans les
divers pays servent à l’édification de tous et c’est un véritable savoir
« global » qui s’est constitué, à dominante anglo saxonne. Les échecs
passés, en particulier des 70 ans de collectivisme soviétique constituent également un capital d’information
et une
matière à réflexion et information forts utiles.
Cela
signifie-t-il, pour autant, que la politique économique puisse être codifiée
et rendue aussi efficace que semblait le croire Tinbergen ? et comme après
lui d’autres l’ont cru et en particulier les économistes américains du
" fine tuning " de l’époque Kennedy (1961-1965) ou encore chez nous les
tenants de la RCB (rationalisation des choix budgétaires) de l’époque
Giscard d’Estaing (celle ou il était ministre des finances). La conjoncture
des années 60 a pu influencer de telles croyances lesquelles résultent
également d’une certaine idée (technocratique) de la puissance et de la
capacité des mécanismes étatiques à régler les grands problèmes économiques.
Mais depuis lors la politique économique a subi des échecs retentissants et
répétés aux Etat Unis et en Europe et le doute reste permis.
La période
actuelle ( début du 21eme siècle) n’est plus particulièrement propice à
l’optimisme béat. La politique économique n’a pas permis la réduction du
chômage, ce qui ne nous étonne qu’à moitié, elle a certainement contribué à
réduire fortement le taux d’inflation. Elle peut faire surgir des conflits
sociaux quand se voulant rationnelle elle heurte des intérêts puissants ou
déclenche des peurs plus ou moins injustifiées et ces conflits ont pour
effet des reculs qui signifient le retour au niveau zéro de la politique
économique (automne 1995, en France).
Sans aller jusqu’au conflit ouvert, elle
peut engendrer des comportements de contournement quand elle ne crée pas
elle même des effets pervers structurels qui ne se découvrent qu'à long
terme (en son temps loi Royer sur la limitation de la grande distribution
par exemple). Ce qui peut conduire
à mettre en doute le bien-fondé de sa pratique.
Pour les " nouveaux classiques ", la politique économique est une pratique
non seulement obscène mais inutile.
Mais le
vrai problème de l’action économique n’est pas tant celui son efficacité que
celui de sa rationalité au regard
de l’intérêt général ( que ,
répétons le, l’on a bien du mal à caractériser) compte tenu de la pluralité
de ses concepteurs et ses bénéficiaires...
La société étant composée de groupes
sociaux distincts aux intérêts parfois incompatibles, les gouvernements
élaborent-ils des politiques économiques d’intérêt général ou des politiques
économiques visant à satisfaire des intérêts particuliers, quand bien même
elles seraient élaborées au nom d’un soi disant intérêt général?
Dans
l’opinion courante l'objet de la politique économique est avant tout
la
correction des déséquilibres conjoncturels macro-économiques par l’action
gouvernementale . On distingue, de manière classique, la Politique
économique conjoncturelle (ou de court et moyen terme, de 0 à 5 ans), de la
Politique économique structurelle (5-10 à 20 ans)
Historiquement, la politique du MITI,
institution gouvernementale japonaise, en matière de développement de
produits nouveaux, fut un exemple de Politique économique structurelle
efficace, mais depuis lors l'eau a coulé sous les ponts et depuis 20 ans le
Japon débordé par ses voisins asiatiques et victime du vieillissement de sa
démographie est en longue récession ...
La politique de privatisation de
certaines entreprises publiques, à
laquelle les gouvernements conservateurs attachent une grande importance,
relève plus du structurel que du
conjoncturel, même si, par
ailleurs, les privatisations ont des effets conjoncturels (affectation des
ressources à la couverture de dépenses publiques), et sont conçues comme
devant avoir une efficacité heureuse rapide sur le fonctionnement
économique.
Cela dit,
on a plutôt tendance à réserver l'emploi
du terme "Politique économique" à des actions de l'État (du gouvernement)
concernant le niveau, l'évolution et les rapports des grands agrégats, pour
le court et moyen terme. Cela
tient au fait que la plupart des gouvernements en sont au
stade de la pose de rustine et du
rafistolage et ne veulent ou n’ont pas le loisir à de rares exceptions prés
de mettre en œuvre de véritables politiques structurelles génératrices de
croissance à moyen et long terme et , fait pas forcément récent mais qui
s'est fortement développé, la gesticulation à vocation médiatique prend une
ampleur démesurée
. De fait, "dans le long terme, nous serons tous morts", et en particulier les
gouvernements actuels ne seront plus au pouvoir…Comment ne pas comprendre
que les gouvernements attendent des jours meilleurs pour déclencher des
reformes de structures et s’y engagent souvent le dos au mur. La politique
économique structurelle est un exercice différent de la politique
macro-économique de court et moyen terme.
retour
Les
politiques économiques sectorielles
C’est au
plan sectoriel que la politique économique macro-économique réalise tant
bien que mal la liaison entre le court et le long terme. Supposons par
exemple que soit décidée pour l’immédiat, le court terme, une politique
économique de stimulation de l’investissement des entreprises exportatrices,
L’objectif poursuivi peut avoir des effets multiples. En tous cas il en
aura au moins deux. Dans le court terme, une stimulation de la demande
globale par l’intermédiaire des aides diverses (crédits moins chers, impôts
réduits, subventions, etc.) accordées aux investisseurs, dans le moyen long
terme (c’est le but recherché) réduction du déficit de la balance
commerciale, si les aides sont efficaces, ce qui n'est pas évident compte
tenu des effets pervers, tels les effets d'aubaine du système. Pour relier entre eux ces deux
horizons, il peut être utile (ce n’est pas une nécessité logique) que cette
intervention prenne place dans le cadre, par exemple, d’une politique
économique industrielle, ou d’une politique économique agricole, ou d’une
politique économique des transports, ou d’une politique économique du
tourisme, ou d’une politique économique de l’énergie.
Le
domaine de définition de la politique économique est donc d’une part le
domaine général des équilibres macro-économiques, sans pour autant exclure
une approche sectorielle plus ou moins étendue en raison de l’existence de
goulets d’étranglement générateurs de déséquilibre.
Enfin il
est nécessaire de souligner les progrès institutionnels visant à empêcher (
ou plus modestement à freiner) les dérives financières des politiques économiques , la
LOLF ( loi organique relative aux lois de finances) en est un exemple,
encore faudrait il ne pas être dupe de efficacité réelle versus les effets
d'annonce.
Politique économique et réglementation de la concurrence
Notre
expérience et nos observations montrent que la concurrence parfaite n’existe
pas , n’a jamais existé et n’existera jamais dans un monde tourné de manière
probablement irréversible vers l’ouverture. les imperfections du marché,
les
« externalités » de toutes sortes,
les « asymétries d’information » sont la
règle courante. L’activité de toutes les entreprises vise en permanence
la conquête d’un certain pouvoir de monopole (en général quand même dans le respect des
réglementations existantes) ; Diverses techniques
et moyens institutionnels sont utilisés pour parvenir à cet objectif, par exemple le
binôme innovation-
protection par les brevets, le marketing mix et bien d’autres pratiques.
Doit on
exclure du champ de la Politique économique les interventions étatiques
courantes de réglementation du marché , nous ne le pensons pas ni dans le
cas évidents de réglementation qui visent par exemple, à protéger les
consommateurs dans le cas d'achats effectués à crédit , il s’agit là de
lutter contre les abus les plus grossiers, ni dans celui (structurels) de
réglementations du type loi Royer , déjà évoquée, qui ont visé à limiter l’implantation des
grandes surfaces en début des années 70 sous la pression du petit commerce
et qui en l’occurrence ont eu des effets structurels pervers considérables
en facilitant la concentration de la grande distribution ( avec ses
centrales d'achat au nombre de 4 ou 5 tout au plus).
C’est donc le type même de décisions qu’il ne faudra pas manquer de relever
lors de la revue historique des événements.
L'observation montre également que, dans les périodes électorales ( somme
toutes assez rapprochées les unes des autres à l’échelle temporelles des
réformes de structure) , il aura fallu plus de 7 ans après le vote de la loi
( 1954) pour que la suppression du privilège des bouilleurs de cru devienne
effective (1962). Il existe de fortes pressions pour que les
décisions les plus rigoureuses ne soient pas immédiatement appliquées
(certaines ne le sont même jamais). Que l’on se
souviennent du choix de de Gaulle en 1945 entre les préconisations de Mendès
France et René Pleven, de Gaulle ayant tranché pour la méthode douce de Pleven
contre le remède de cheval de Mendés…... Beaucoup d'hommes politiques à
l'instar de leur électorat considèrent que le déficit de l'État
doit être sévèrement réduit, Mais lorsque les échéances électorales
approchent ils sont les
premiers à lâcher du lest financier dans tel ou tel domaine. Nous en verrons
moult exemples au cours de la période étudiée.
Nous nous
méfions particulièrement des
dérives que l’économétrie peut
engendrer pour la politique économique qui sera toujours un art.
Nous adhérons à l’idée que si théorie de la politique économique il doit y
avoir, une telle théorie ressemble davantage à un ensemble de préceptes, de
règles de bon sens, de résumés de l'expérience pratique. Certains
auteurs, comme l'a fait Tinbergen, ont cherché à donner à l'économétrie un
tour formellement achevé. Il ne faut pas se faire d’illusion sur ces
travaux, et dieu sait s’ils sont désormais nombreux depuis que les
cartomanciennes débordées n’ont plus le temps de s’occuper des hommes
politiques, les gouvernements n’ont aucun problème à mobiliser de plus en
plus de ressources pour mener à foison de tels travaux..
retour
Politique
économique et décentralisation
Il s'agit
d'un domaine relativement nouveau ( moins de 35 ans). La décentralisation
prend réellement effet en France depuis le milieu des années 90 avec les
nouvelles attributions de compétence des collectivités locales et les enjeux
politiques concomitants avec des germes de situation plus ou moins
conflictuelles entre les administrations et le pouvoir central d'une part et
les pouvoirs régionaux et collectivités qu'ils contrôlent.
Sur le
plan de l'efficacité, le maintien du millefeuille administratif ( voire
l'adjonction de couches à ce millefeuille) et les crispations des intérêts
locaux visant à empêcher la suppression des anciennes couches rendues plus
ou moins obsolète par le progrès technique et les modifications du paysage
humain dans son ensemble ne permettent pas d'être d'un optimisme béat. Tous
les gens sérieux en sont conscients, mais ce qui a été dit plus haut sur les
motivations politiciennes montre bien que le changement sera long. Il faudra
bien diminuer le nombre de couches du millefeuille!
Le lancinant problème de la dette publique et des
prélèvements obligatoires
La classe politique française de gouvernement
( droite et gauche confondues) est actuellement
particulièrement piégée par la question de l'endettement public pour un pays
qui a atteint un très haut niveau de prélèvement obligatoire, une vraie quadrature du cercle.
Le recours simpliste à une hausse des prélèvements faisant pressentir de
forts effets pervers.
A juste titre on a fait l'Europe ( plus exactement les gouvernements ont
tenté de la faire et les présidences socialistes sont de mon point de
vue les plus crédibles sur ce point); le livre blanc de 1984 et l'acte
unique sont de très bonne choses, sauf que l'on a fait une monnaie unique
sans avoir des institutions fiscales unifiées ( ou en voie de l'être),
L’appartenance de la France à l’Union
économique et monétaire européenne, depuis 1999, lie son destin
économique à celui des autres nations européennes, et nécessite, pour éviter
les phénomènes de
passager clandestin et garantir la solidité de l’ensemble, le respect de
critères définis par le
traité de Maastricht, dont notamment un
déficit public sous les 3 % du
PIB ( il est en 2010 de 7,7% et sera 6% en 2011) et une dette publique inférieure à
60 % du PIB.
La
charge de la dette publique représente le paiement des intérêts seuls.
Dette
publique et dette de l'État ne recouvrent pas tout à fait les mêmes concepts, mais ,
bon, n'entrons pas trop dans la technique ( allez sur le site du ministère
du budget pour en savoir plus).
Alors
qu'en 2006, et pour l'État seul, la charge des intérêts de la dette était de
39 milliards d'euros, soit 14,6 %
du
budget de l'État, elle se montait en 2007 à plus de 50 milliards d'euros (augmentation
de 12 % par rapport à 2006).
En 2010
avec un chiffre de l'ordre de 43 milliards ( en baisse donc grâce a la baisse des taux d'intérêts)
elle est entre 15% et 18% des recettes annuelles du budget de l'État, soit la presque totalité de l'impôt
sur le revenu payé par les Français (qui est de 52 milliards en net ).
On mesure la dégradation en 4 ans, dont sont responsables la crise et le
plan de relance. Cette charge va mécaniquement augmenter en 2011 et encore plus en
2012, et que dire si les taux d'intérêts qui n'ont jamais été aussi bas
qu'en 2010, ré augmentent . plus de 70% de la dette publique française est
détenue par des non résidents ( assurances et banques étrangères), on
comprend l'importance du rôle des agences de notation et le peu de pouvoir
français pour les influencer!
Que dire
sil a croissance n'est pas au rendez-vous et si le chômage ne baisse pas?
Le
service de la dette, quant à lui, représente le paiement annuel des échéances (capital
plus intérêts) des emprunts souscrits. C'est une notion dont on ne parle pas
beaucoup car l'État ( Agence France Trésor) emprunte pour rembourser des
emprunts ( façon de faire que Madoff avait parfaitement compris pour se
l'approprier!) et peut être parce que les chiffres feraient peur.
A lui
seul, le remboursement du capital de la dette
( les vieux emprunts venant à échéance), , représente pour l’État environ
80 milliards d'euros ( à la louche), c'est-à-dire plus que la somme de toutes les
recettes fiscales directes (impôt sur les société, ISF, etc.) autres que
l'impôt sur le revenu et la TVA.
Ce montant
du service de la dette qui était de 118 milliards en 2008 et doit être ( à
la louche) de 130 milliards en 2010
est
plus du double du premier poste budgétaire de l'État français, l'enseignement
scolaire ( 60 milliards) et pas loin du quadruple de celui de la
Défense (37 milliards).
Il est à
peu prés du même montant que la totalité des ressources fiscales directes, ou encore,
à peu prés égal à la TVA (environ 130 milliards) ou encore de plus de la
moitié des recettes fiscales de l'État ( 254 milliards en 2010 en net) dont
on sait qu'elles représentent plus de 90% de ses recettes totales. Telle est
sauf erreur l'ampleur de la question. On comprend le vertige du premier
ministre F Fillon qui en 2007 parlait "d'un état en faillite". Les choses
ont empiré depuis.
En 2011,
l'État va devoir lever ( emprunter à nouveau) 220 milliards d'euros, dont 100 milliards rien que
pour rembourser le capital de la dette qui arrive à échéance ! . . Cela
personne ne le conteste.
Le "non" français au référendum de 2002 sur le traité constitutionnel européen
fut presque suicidaire. On ne peut pas ( on ne peut plus) vouloir faire
entendre sa voix dans un univers ouvert face aux nouveaux géants
démographiques devenus des géants économiques et politiques et rester
enfermé dans pré carré autour de son clocher. Un temps précieux fut perdu qui ne sera
jamais rattrapé ( ne jamais dire jamais ?...). Or les 2 grands problèmes
(dette publique et prélèvements obligatoires), qui n'en font qu'un
(l'endettement des Français d'aujourd'hui et de demain), attendent
désespérément de trouver sinon une solution définitive, du moins des
solution de rémissions temporaires et porteuse d'espoir. La bénéfique pression politique de l'Europe en direction du respect d'une plus grande
discipline budgétaire nationale uniformisée aurait été bien plus grande si la réponse
au référendum avait été "oui".
En soi une dette publique, même à 82% du PIB, comme l'est celle de la France
en juillet 2010 ne serait pas grave si les déficits publics étaient
sous contrôle avec un plan crédible de réduction. Les préteurs ( nationaux
ou internationaux ) ne manquent pas pour acheter des parcelles de cette dette à l'AFT (agence
"France Trésor"), à condition d'en obtenir des intérêts concurrentiels
compte tenu du risque que prennent ces prêteurs ( qui pour 70% des
montants sont des institutions étrangères qui ont plein d'autres
possibilités) et dans cette
situation la position des agences de notation est fondamentale. Que la
note "AAA" soit dégradée et c'est la facture des intérêts dus par l'État à ses
préteurs qui en prend un vieux coup, or cette facture ( si l'on y
ajoutait le
remboursement des échéances de remboursement des emprunts venus à échéance -
ce que tout particulier responsable ferait) serait et de loin, très...très
loin le premier
poste de la dépense publique.
Si l’administration publique française était soumise aux mêmes critères de
mesure d’endettement qu’une entreprise privée, à savoir le ratio dette
sur
chiffre d'affaires, elle serait considérée comme largement trop endettée,
(et c'est un euphémisme) puisque le ratio dette sur
dépenses publiques dépasse les 120 %.
Cependant, étant donné les moyens ( réels) de
coercition de l’État et sa capacité à lever de nouveaux impôts, les
agences de notation estiment que le risque de défaut sur la dette
publique est minime ;
par ailleurs l'État français n'a pas fait défaut sur sa dette depuis 1796.
Mécaniquement la dette publique française atteindra au moins 90% du PIB
en 2012 , peut être plus si la croissance n'est pas au rendez vous. L'augmentation de
l'endettement des principaux pays développés, à partir des
années 1980, a conduit certains économistes à définir et évaluer un peu doctement à
la manière pédante du Thomas Diafoirus de Molière la « soutenabilité » à long terme de la dette
publique d'un pays. La France apparaissait, dans cette littérature, comme ayant
une dette moyennement soutenable.
La persistance de déficits publics élevés remet en cause cette soutenabilité.
Facteur aggravant,
( et c'est là où je veux en venir) la dette publique française se situe dans
un contexte de prélèvements obligatoires extrêmement élevés.
Les
prélèvements obligatoires ( fiscaux, sociaux, locaux )...dépassent 42,5%
du PIB contre 27% pour les USA, 34,8% pour l'Allemagne, 27% pour le Japon.
(Attention! la définition du concept est encore un peu flou et des divergences existent
entre institutions internationales, ce qui permet de sous estimer la réalité
et fausser un peu les comparaisons
permettant aux politiciens de mentir un peu sans en avoir l'air, ce qui est
de bonne guerre!).
Seule la Suède nous dépasse sur ce plan
(plus pour très longtemps).
Les administrations de sécurité sociale ( ASSO) exercent une ponction égale
à presque 25% du PIB et se taillent la part du Lion. Les dépenses de
retraite payées par ces administrations représentent environ 15% du PIB et
la santé 10%.
Les administrations locales ( APUL) ponctionnent 6%. et finalement les
administrations publiques nationales se contentent du reste ( moins de 20%).
Ces chiffres éclairent ce que seront les enjeux de la politique économique
au cours des 10 années à venir dans un monde ouvert , caractérisé par
l'émergence de grandes puissances ( ASIE Amérique du Sud) mais globalement
en paix ( hypothèse optimiste).
En nous
plaçant en perspective historique nous verrons que L'État français a souvent eu recours à la dette pour faire face à des
dépenses fortes et soudaines, comme les guerres. La dette a fluctué, passant par exemple
par une valeur presque nulle (par rapport au PIB) en 1540 ou en 1820, et
atteignant jusqu’à environ 290 % du
PIB en 1944.
Après les périodes de forte augmentation, il est apparu à certaines époques que la part de la dette dans le PIB
( reconstitué par les historiens) fut rapidement réduite, principalement en raison d’une forte hausse de l’inflation
(qui réduit la
valeur réelle de la dette, et donc
spolie partiellement les détenteurs de la dette) et d’une croissance
forte du PIB ( ou de ce qu'on en a reconstitué en tout anachronisme). Un tel niveau de dettes était « amorti » par le jeu de
dévaluations successives du franc par rapport aux autres monnaies. Ce
« jeu » de dévaluations n'étant plus possible depuis la création de l'euro
unique en 2002, il constitue le principal sujet de désaccord exprimé par les
opposants à l'euro comme monnaie unique au lieu de l'euro monnaie commune.
Comme nous le verrons par le détail pour la période 1917-2000
, les vingt années de paix qui ont suivi l'armistice de 1918 ont été marquées par un
bouleversement durable des rapports de force internationaux, par l'émergence
des
idéologies totalitaires ainsi que par des progrès techniques considérables.
Cette période constitue un ensemble cohérent et homogène qu'il convient
d'appréhender dans sa globalité. La première moitié de la période fut
marquée par une croissance indéniable liée notamment à la reconstruction des
régions sinistrées.
Mais ce
qu'il faut retenir de cette période ( 1917-1930) c'est bien la constatation de
l'euthanasie du rentier, lui que l'État avait courtisé tout au long de la
guerre (et après ) pour qu'il apporte son or et souscrive des bons de la
défense nationale.
Et celui
qui à débranché les appareils n'est pas n'importe qui, Raymond Poincaré en
personne, le symbole même du centrisme de droite et du consensus
républicain, ça s'est passé en 1926 et ça s'est appelé: "victoire des
stabilisateurs".
C'est
ainsi que la dette publique portée à des sommets comme suite à la Première
Guerre mondiale en particulier revint à un niveau "soutenable".
À partir de 1932 ( en
France et non 1929 comme en Amérique), la crise économique et sociale et la montée des
nationalismes étatiques agressifs créèrent une atmosphère de tension et de
peurs un peu partout en Europe, mais moins dans les démocraties ( Royaume
Uni, France, Belgique, Pays Bas pays scandinaves).
Les années trente
furent le théâtre de la
crise économique d’ampleur mondiale que l'on sait déclenchée par le krach de 1929
( en 1930, 1931 et dans la première moitié de 1932 les politiciens se
vantaient de diriger une France îlot de prospérité dans une mer battue par
les flots). La principale conséquence de cette crise aura été l’exacerbation de la concurrence
entre les nations et le protectionnisme: les rivalités économiques ouvrent
une porte dans laquelle s'engouffrèrent des
rancunes politiques plus anciennes, souvent nées du règlement à
courte vue de la
Première Guerre mondiale.
Avec
la disparition des rentiers ( euthanasiés), il a fallu trouver d'autres
clients pour les emprunts publics, cela a mis un certain temps, et je dirai
même une nouvelle guerre mondiale et ses suites puisque "ça n'est que" vers
les années 70 que l'État ( tout au moins en France) a institutionnalisé le
recours permanent à l'emprunt pour financer les dépenses publiques, en se
tournant vers les marchés financiers mondialisés.
Au cours du XXe siècle,
période objet de mes observations dans les chapitres qui suivront, la structure de la dette a progressivement évolué : les emprunts perpétuels
ont été rachetés par l’État, et la dette auprès de la
Banque de France a été épongée.
Le recours à l'emprunt
fut de plus en plus fréquent
et "notamment" motivé, par les dépenses militaires :
construction de la
ligne Maginot,
guerre d'Indochine par exemple. Pour autant, la
forte croissance économique de la France à partir de 1945 ( qui repartait de
très bas il ne faut pas l'oublier) permit de
maintenir la dette dans des limites "soutenables" dans bien des exercices
budgétaires.
Dans les
années 1970, une hausse de l’inflation
à l’échelle mondiale fut provoquée dans l'ordre chronologique par la
suspension de la parité du dollar américain avec l'or (adoption généralisée
du système des changes flottants) et par les
chocs pétroliers (et le second ne fut pas le moindre). En conséquence, l'inflation
sapa
dés lors la confiance des prêteurs, à une
période où l'état augmentait ses dépenses pour tenter de relancer la machine
économique et de limiter les désordres sociaux de la crise économique : il
dut recourir à l'emprunt de façon plus massive et plus durable. Les coûts
croissants de la protection sociale ont alors commencé à creuser
sérieusement les déficits publics et
augmentent les niveaux de dette.
Ainsi, dans les
années 1970 et 1980,
les pays industrialisés sont entrés dans un régime inédit de dette permanente :
« pour la première fois dans l’histoire fiscale moderne, les gouvernements
usèrent explicitement de la dette pour financer les dépenses publiques
courantes, incluant les transferts sociaux ».
Au même moment la désinflation compétitive a "heureusement" fonctionné sous
Fabius, mais cela eut pour effet de faire croître fortement la dette. Elle finit par atteindre
à la longue des niveaux tels que les intérêts
versés et le
service de la dette ( incluant les remboursements des emprunts eux mêmes)
devinrent plus que significatifs et préoccupants ce qui est le cas
actuellement.
De plus, pour conforter la confiance sur la stabilité de la valeur de la
monnaie, la France s'est interdite (à juste titre) avec la loi du 3 janvier 1973 les concours de
la
Banque de France au
Trésor public, notamment les émissions de crédit sans intérêt.
Ceci revenait à s'interdire de « faire marcher la planche à billet ». Cette
décision de principe fut confirmée lors des nouveaux changements de statut
de la Banque de France en 1993.
Le recours à l'emprunt est dés lors devenu d'autant plus nécessaire. De fait
si l'on regarde ce que font en 2010 les USA , il y a de multiples façons de
faire fonctionner ladite "planche à billet" , et Ben Bernanke ( surnommé
Helicopter Bernanke, car en galéjant il prévoit de déverser par voie
aérienne des sacs de dollars sur le territoire américain ) devrait "être le dernier à démentir.
Keynes, pourtant ancien monétariste avant 1931, mais devenu repenti ( seuls
les imbéciles ne changent jamais d'avis) avait pourtant attiré l'attention
sur l'existence de la "trappe à liquidité" et sur l'impuissance du volet
monétaire de la politique économique, impuissance que personnellement je
compare à celle du monsieur qui voudrait faire rentrer dans le tube le
dentifrice qu'il a fait sortir en pressant dessus ou de la dame qui voudrait
faire entrer le fil à coudre dans le chais d'une aiguille en poussant
dessus. L'effet pervers du recours au volet monétaire pour relancer
l'économie c'est la création de bulles et les bulles explosent. Mon dieu que
nous vivons dangeureusement!
Pour conclure
En fait
tout simplement, au risque de décevoir, il n'y a pas de magie. La politique économique,
selon moi,
c’est avant tout une bonne dose de bon sens
économique de persévérance et beaucoup de sensibilité politique et de
finesse ( politique ne veut
pas dire politicienne).
Les institutions, les problèmes sociaux,
les mentalités, les histoires, diffèrent d’un pays à l’autre. Les politiques
économiques furent, sont, et seront donc, elles aussi, différentes.
Les nations sont imbriquées dans un concert qui d’ailleurs n’est pas
toujours harmonieux, et la plupart du temps l’économie d’une nation subit
l’impact de la politique économique d’autres nations dominantes ou non,
c’est selon. C’est la raison pour laquelle notre investigation ne devra pas
se limiter au cadre hexagonal mais devra faire des incursions poussées dans
l’histoire contemporaine de la plupart des pays développés qu’il s’agisse de
la période de l’entre deux guerres ou de la période postérieure à la seconde
guerre. La politique économique de la France fut la plupart du temps une
politique économique réactive aux événements et situations, celle du "chien
crevé au fil de l'eau" (pour reprendre l'expression d' André Tardieu s'adressant
en 1921 en séance au président du conseil Aristide Briand - plutôt
injustement selon moi - à propos de son action de politique générale). Elle
fut toujours fortement teintée d'idéologie des deux grands bords lors de
situations diverses, elle fut rarement pro active, c'est bien là la
tare de la démocratie, "le pire des régimes politiques à l'exception de tous
les autres" comme l'a dit Churchill. Enfin les 45 dernières années de cette
période de plus de 90 ans fut marquée par l’insertion (intégration serait un
mot exagéré) croissante du pays au sein de l’Europe, d’abord dans un
contexte d'un monde bipolaire - guerre froide- à l’abri du bouclier
américain et puis récemment dans un contexte unipolaire ( certains diront
impérial, mais les empires sont mortels) . Donc on ne s’étonnera pas de voir
la politique économique européenne prendre une place importante dans nos
investigations.
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